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Le PFSP et la nutrition des enfants en Ethiopie

Le programme de filets sociaux productifs (PFSP) en Ethiopie, qui combine un programme de travaux publics avec des transferts d’argents et de vivres sans conditions, compte parmi les plus grands programmes de filets sociaux mis en place pour la sécurité alimentaire des ménages en Afrique. Mais ce programme améliore-t-il vraiment la nutrition des enfants dans le pays ? Un récent document de projet du Programme d’Appui Stratégique à l’Ethiopie (ESSP) étudie cette question, mais aucun résultat ne vient conforter l’idée que le PFSP réduit la malnutrition chronique chez les enfants d’âge préscolaire ; cette conclusion pourrait découler d’une confusion entre les facteurs environnementaux, sociaux ou économiques, qui doivent être pris en compte.

A la différence des appels d’urgence annuels pour réduire les famines massives, le PFSP a été conçu comme un programme pluriannuel visant à apporter aux bénéficiaires des prestations prévisibles et fiables, y compris l’emploi dans des projets de travaux publics pour ceux qui sont capables de travailler. Au départ, les ménages qui avaient reçu une aide alimentaire d’urgence dans le passé ont été sélectionnés pour le programme. Plus tard, les critères d’éligibilité ont été élargis aux actifs des ménages et à leurs revenus provenant d’activités et d’emplois non agricoles. Les ménages éligibles sont intégrés soit dans les programmes de travaux publics soit dans les programmes de soutien direct (personnes âgées ou handicapées).

Cette étude de l’ESSP, qui utilise les estimateurs IPWRA ( inverse-probability-weighted regression-adjustment estimators ), examine les données d’enquête collectées lors de quatre sessions organisées entre 2006 et 2012. L’enquête a évalué les bénéficiaires et les non bénéficiaires du PFSP et a collecté des informations sur la démographie, les actifs, les activités génératrices de revenu, la consommation, et autres informations concernant les ménages qui ont un impact direct sur l’accès aux aliments. Lors des sessions de 2008, 2010 et 2012, les mesures anthropométriques ont été prises pour tous les enfants âgés de six mois à cinq ans vivant dans les ménages bénéficiaires. Ces mesures ont ensuite été converties en indicateur de taille-pour-âge en utilisant les normes de croissance de l’OMS, qui permettent la comparaison avec des enfants bien nourris de même âge et de même sexe. Ces mesures ont été utilisées pour évaluer la malnutrition et son impact sur le poids et la taille des enfants. Aucun des résultats obtenus ne permet de démontrer que la participation au PFSP a un effet quelconque sur la malnutrition chronique ; 48 pourcent des enfants concernés par l’enquête sont restés dans la même situation de retard de croissance (faible taille-pour-âge) en 2012.

 

Les auteurs de l’étude n’ont pas identifié de manière précise la raison de ces résultats, mais ils ont noté plusieurs facteurs importants qui pourraient expliquer ces conclusions. Tout d’abord, les régimes alimentaires des enfants restent pauvres malgré les prestations reçues du PFSP. Plus particulièrement, rien ne prouve que l’engagement dans le PFSP entraîne une plus grande consommation de légumineuses, d’huiles, de fruits, de légumes, de produits laitiers ou de protéines animales. Ensuite, les mauvaises pratiques d’hygiène et l’assainissement inadéquat en Ethiopie ont un impact sur la santé et la nutrition des enfants. Enfin, la plupart des mères impliquées dans le programme n’ont pas de contact avec des agents de vulgarisation sanitaire et n’ont pas non plus reçu des informations concernant les bonnes pratiques d’alimentation des enfants.

Les auteurs soutiennent aussi que la participation à la composante travaux publics du PFSP a des conséquences différentes sur les obstacles aux revenus et sur les contraintes de temps rencontrés par les ménages. Bien que l’augmentation des revenus découlant du programme permette d’améliorer et d’augmenter la consommation alimentaire, la participation à l’emploi dans les travaux publics crée aussi une nouvelle contrainte de temps aux parents. Si cette augmentation de la charge de travail réduit le temps consacré aux soins des enfants (en particulier l’alimentation des enfants), alors cet aspect de la participation au programme pourrait expliquer le faible impact du PFSP sur le statut nutritionnel des enfants.