Les facettes de la malnutrition: Rapport 2016 sur la nutrition mondiale
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Cinquante-sept pays sur 129 dans le monde sont confrontés à des niveaux critiques de malnutrition d’une part, et de surpoids/obésité chez les adultes d’autre part, selon le Rapport 2016 sur la nutrition mondiale. L’Afrique reste l’une des régions les plus affectées par ces diverses menaces de malnutrition et le continent devra prendre des engagements forts pour atteindre l’objectif établi par les ODD de mettre un terme à la malnutrition sous toutes ses formes d’ici 2030.
Selon le rapport, lancé cette semaine à Washington DC, 32 pour cent des enfants africains de moins de cinq ans souffraient de retard de croissance (taille insuffisante par rapport à l’âge) en 2014 ; 8 pour cent souffraient de malnutrition aigüe (poids insuffisant par rapport à l’âge) ; et 6 pour cent des enfants de moins de cinq ans étaient en surpoids. L’Afrique reste aussi l’une des deux seules régions (avec l’Océanie) dans laquelle le retard de croissance n’est pas en baisse. Pendant ce temps, la prévalence régionale du surpoids chez les adultes en 2014 était de 40 pour cent pour les femmes et 25 pour cent pour les hommes ; dans de nombreux pays (Ghana, Kenya, Mauritanie, Niger, Sierra Leone, Tanzanie et Zimbabwe), la prévalence du surpoids et de l’obésité parmi les femmes âgées de 19 à 49 ans est proche de 50 pour cent dans les zones urbaines. Ces taux croissants d’obésité et de surpoids entraînent un risque accru de maladies non transmissibles comme le diabète et les maladies cardio-vasculaires. De telles maladies non transmissibles sont actuellement responsables de près de 50 pour cent des décès et des handicaps dans les pays à revenus faibles et moyens dans le monde, selon le rapport. Au Kenya, les maladies non transmissibles liées à la nutrition sont actuellement à l’origine de 27 pour cent des décès parmi les populations entre 30 et 70 ans.
Les déficiences en micronutriments présentent aussi une menace considérable dans la région. En 2011, 38 pour cent des femmes en âge de procréer souffraient d’anémie, alors qu’en 2013, 42 pour cent des enfants entre 6 et 59 mois présentaient une carence en vitamine A.
Tous ces facteurs exercent une énorme pression sur les systèmes de santé, les économies et le capital humain des pays africains. Le rapport estime que 11 pour cent du PIB de l’Afrique est perdu chaque année en raison de la malnutrition – plus que ce qui a été perdu pendant la crise financière mondiale de 2008-2010. Il est clair que la malnutrition représente une sérieuse menace pour le développement économique de la région ; un engagement plus fort et des investissements plus importants sont donc nécessaires pour y faire face.
Le rapport présente plusieurs exemples de pays africains qui ont pris de tels engagements. Par exemple, le Kenya est l’un des rares pays de la région à avoir conçu un plan de réponse nationale pour faire face à une épidémie croissante d’obésité. La Stratégie Nationale pour la Prévention et le Contrôle des Maladies Non Transmissibles 2015-2020 vise une croissance zéro de l’obésité et du diabète chez les adultes. Le Plan National d’Action pour la Nutrition du Kenya (2012-2017) inclut également des points d’action précis pour traiter les niveaux de surpoids et d’obésité dans le pays, à savoir : développer et diffuser des directives complètes pour la prévention, la gestion et le contrôle des maladies non transmissibles liées à la nutrition ; former les prestataires de services et mettre en place des campagnes de sensibilisation des populations pour prévenir, gérer et contrôler ces maladies ; intensifier le dépistage communautaire de l’indice de masse corporelle et du tour de taille ; et améliorer la nutrition et l’éducation à la nutrition dans les écoles. Le Kenya est actuellement engagé dans le développement d’un Plan d’Action Nationale pour la Prévention de l’Obésité chez l’Enfant. Bien que ces plans constituent des étapes importantes dans l’intégration du surpoids et de l’obésité dans les programmes nationaux de nutrition, le rapport souligne que le Kenya aura besoin de plus de financements pour les programmes de lutte contre l’obésité et pour les programmes de nutrition en général s’il veut atteindre les objectifs nationaux et mondiaux.
D’autres pays africains ont réalisé des progrès dans la lutte contre les déficiences en micronutriments. Le rapport souligne des améliorations des niveaux d’iode en Ethiopie entre 2005 et 2014. Les faibles niveaux d’iode peuvent entraîner le développement des goitres ; en 2005, 83 pour cent des écoliers éthiopiens présentaient une insuffisance en iode, selon le rapport. Bien que le sel iodé soit très utile dans la réduction des déficiences, l’utilisation de sel fortifié était faible au début de la période d’étude. Cependant, grâce à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement alimentaire, aux investissements accrus du secteur privé, à l’engagement du gouvernement pour rétablir et appliquer la législation sur l’iodation, et à l’engagement des agences internationales et du secteur civil, plus de 95 pour cent des ménages éthiopiens avaient accès au sel iodé en 2014.
Le rapport stipule que le renforcement de l’engagement et des investissements de la part du gouvernement et de la communauté internationale a aussi permis d’augmenter la fortification des aliments de base au Burkina Faso. Le gouvernement du Burkina Faso a adopté une législation rendant obligatoire la fortification de l’huile de cuisson avec la vitamine A et la fortification de la farine de blé avec une série de nutriments comprenant le fer et l’acide folique ; ces produits fortifiés sont maintenant accessibles à plus de 84 pour cent de la population du pays. Ces efforts ont été soutenus par une assistance technique de la part d’une organisation internationale, Hellen Keller International (HKI), qui a aidé les industries de traitement des aliments locaux à renforcer leurs capacités afin de respecter les nouvelles normes des produits alimentaires.
Un autre programme associant HKI, l’IFPRI, les agences de la santé et de l’agriculture du gouvernement local et l’Institut National de Recherche Agricole du Burkina Faso a permis de mener une évaluation rigoureuse du modèle amélioré de production alimentaire de subsistance . Cette étude, publiée en 2015 a montré qu’un programme bien conçu qui promeut la production locale d’aliments riches en nutriments, ainsi que des stratégies de communication conçues pour changer les comportements des ménages en matière de nutrition, peuvent avoir un impact positif sur le statut nutritionnel des mères et des enfants. L’expérience du Burkina Faso avec ces divers programmes montre à quel point le soutien gouvernemental et international est essentiel dans l’établissement et l’amélioration des programmes de micronutriments.
Selon le rapport, plus de 30 pour cent des dépenses gouvernementales en Afrique sont allouées à cinq secteurs qui soutiennent la nutrition : l’agriculture, la santé, l’éducation, la protection sociale, et l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Ces secteurs représentent ainsi une chaîne puissante à travers laquelle il est possible d’établir des cibles en matière de nutritions incluses dans des objectifs de développement plus larges.
Le rapport cite le Ghana comme un pays africain qui y parvient avec succès. De 1988 à 2003, les taux de retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans ont baissé très lentement, avec une prévalence qui reste supérieure à 30 pour cent. Depuis 2008, cependant, la baisse s’est accélérée de manière significative et la prévalence a atteint un niveau de 19 pour cent en 2014. Selon le rapport, ce progrès impressionnant est dû à la combinaison d’un développement politique et économique avec une large gamme d’interventions de lutte contre la malnutrition. Ces interventions incluent, entre autres :
- Des services de santé soit gratuits soit à faibles coûts tels que la distribution de moustiquaires imprégnées aux femmes enceintes et aux enfants, les services spécialisés de pré-natalité, l’utilisation du zinc et des solutions de réhydratation orale pour le traitement de la diarrhée et de la fièvre chez les enfants et l’augmentation de la vaccination des enfants entre 12 et 23 mois ;
- Des programmes agricoles centrés sur le développement rural, l’irrigation, les variétés de cultures améliorées et la subvention des intrants ;
- Des programmes de protection sociale tels que les subventions en espèces pour les ménages très pauvres, une couverture de santé maternelle gratuite pour les femmes pauvres et un Programme National d’Alimentation à l’Ecole qui fournit un repas riche en nutriments aux écoliers dans presque 200 districts ; et
- Des programmes garantissant une éducation de base gratuite et encourageant l’éducation des filles.
Le rapport souligne toutefois qu’il reste encore beaucoup à faire au Ghana. Les taux d’allaitement maternel exclusif ont baissé récemment dans le pays et la qualité des régimes alimentaires des bébés et des jeunes enfants doit être encore largement améliorée. De plus, les réductions du retard de croissance ne sont pas distribuées de manière égale à travers le pays et l’investissement financier du gouvernement reste en dessous des niveaux optimums. Enfin, la prévalence des adultes en surpoids et en situation d’obésité continue à augmenter, indiquant un besoin d’inclure ces facteurs dans les futurs programmes de nutrition et de développement.
Globalement, le rapport conclut que même si les pays africains ont enregistré certains progrès sur divers indicateurs de nutrition, les progrès futurs ne seront pas accomplis sans une augmentation significative de l’engagement politique et de l’investissement financier. Un tel engagement est contenu dans la Déclaration de Malabo (juin 2014) ; dans cette déclaration, les pays signataires et l’Union Africaine se sont engagés à baisser le retard de croissance de 10 pour cent et l’insuffisance pondérale chez l’enfant de 5 pour cent d’ici 2025. Pour atteindre ces objectifs, les gouvernements et les ministères devront établir une coordination aux niveaux national et régional afin de mieux collecter et diffuser les données nutritionnelles.