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Transformer le secteur laitier Ethiopien

Cet article a été rédigé par Sara Gustafson.

Au cours des dix dernières années, le secteur laitier Ethiopien s’est rapidement développé. Les consommateurs urbains ont nettement augmenté la part de leur revenu qu’ils dépensent en produits laitiers, et le nombre d’entreprises domestiques de transformation de produits laitiers a triplé afin de satisfaire la demande croissante. Ces différentes tendances révèlent une transformation structurelle, qui joue un rôle important dans la réduction de la pauvreté et l’augmentation du bien-être dans les pays en développement. Cependant, une nouvelle étude montre que malgré sa forte croissance récente, le secteur laitier Ethiopien fait toujours face à des obstacles importants.

Cette étude utilise des données administrative, quantitative et qualitative afin d’analyser les changements dans la chaîne de valeur des produits laitiers fournissant Addis-Abeba. Les auteurs examinent en particulier l’accès au marché, mesuré par l’éloignement des fermes à la ville, et la taille des fermes, mesurée par le nombre de vaches par ferme. La première variable a des implications significatives pour la productivité globale et l’utilisation de matières premières, alors que la seconde variable aide les chercheurs à mieux analyser l’inclusion des petits producteurs dans la croissance du secteur.

Bien que la consommation de produits laitiers à Addis-Abeba reste faible par rapport aux moyennes mondiales, le nombre de produits laitiers consommés par an par adulte a augmenté de 31% entre 2005 et 2016. La consommation de lait a nettement augmenté : la part des dépenses en lait de vache dans les dépenses totales en produits laitiers moyennes des ménages a cru de 30% en 2005 à 44% en 2016. Le lait en poudre est également devenu un produit important dans la chaîne de valeur laitière, avec une valeur d’importations qui est passée de 5 millions de dollars en 2005 à presque 20 millions de dollar en 2015.

Une partie de la croissance de consommation de produits laitiers à Addis-Abeba peut être attribuée à la hausse des revenus. Lorsque les ménages perçoivent des revenus plus élevés, ils modifient leurs comportements alimentaires, consommant moins d’aliments de base tels que le maïs et le riz et plus d’aliments à haute valeur, dont les produits laitiers. L’étude prouve qu’à Addis-Abeba, le segment de population le plus riche dépense plus de cinq fois plus en produits laitiers que le segment le plus pauvre.

La demande croissante de produits laitiers à Addis-Abeba a modifié la façon dont ces produits sont fournis. D’importants investissements ont été réalisés afin de formaliser les marchés des produits laitiers, et le nombre d’entreprises de transformation de lait a fortement augmenté dans le pays – de 8 en 2007 à 25 en 2017. Les trois quarts des produits laitiers pasteurisés proviennent de quatre de ces entreprises, révélant la concentration élevée de ce secteur. Cette concentration a le potentiel d’exclure les petits exploitants de marchés à fort rendement.

L’étude montre que bien que les petits exploitants fournissent toujours la majorité des produits laitiers (notamment le lait liquide) consommés à Addis-Abeba, les grandes entreprises – définies comme possédant plus de 25 vaches – deviennent de plus en plus importantes, en particulier dans les zones suburbaines. Cette tendance devrait se confirmer dans les années à venir puisque les grandes entreprises sont plus productives, à la fois par vache et par unité.

De plus, les fermes urbaines deviennent également des acteurs importants du secteur laitier Ethiopien. L’étude montre qu’il y avait 29000 vaches à Addis-Abeba en 2017 et que ces fermes urbaines fournissaient 31% du lait liquide consommé en ville. Les fermes rurales, d’un autre côté, en fournissaient entre 37% et 44%.

Les grandes entreprises ainsi que les entreprises rurales atteignent constamment de meilleurs rendements que les fermes rurales et suburbaines, ce qui leur donne un avantage sur le marché des produits laitiers. Bien que les petits exploitants, ruraux et suburbains, produisent en moyenne entre 3,3 et 4,8 litres de lait par vache chaque jour, les grandes entreprises, dont la plupart sont dans des zones urbaines, sont en capacité de produire 18,6 litres par vache par jour. Ces dernières sont bien connectées au sein de la chaîne de valeur, ce qui leur permet d’obtenir des matières premières de bonne qualité, comme des aliments pour le bétail, des services vétérinaires, et des espèces de vaches plus productives car issues de croisement d’espèces. D’un autre côté, les petits exploitants possèdent des vaches locales, dont les rendements sont restés constants ou ont décliné durant ces dernières années.

Les résultats de cette étude offrent différentes directions afin que les petits exploitants Ethiopiens bénéficient de la croissance continue du secteur laitier. Tout d’abord, les vaches issues de croisement d’espèces offrent de plus forts rendements mais sont plus coûteuses et plus à risque, ce qui les rend inaccessibles aux petits exploitants. Des investissements devraient être réalisés afin d’aider les petits exploitants à acquérir et élever des animaux issus de croisement d’espèces. Deuxièmement, l’utilisation d’aliments pour le bétail augmente également les rendements, ce qui démontre le besoin existant de développer les entreprises productrices de ces aliments afin qu’elles puissent fournir les petits exploitants. Les auteurs de l’étude expliquent que l’amélioration de l’utilisation de ces matières premières ne permettrait pas seulement d’aider les petits exploitants Ethiopiens dans le secteur laitier mais devrait également réduire l’impact environnemental négatif (c’est-à-dire l’augmentation des émissions de méthane) associé à la production de bétail.

 

Sara Gustafson est auteure indépendante.