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La révolution numérique dans l'agriculture : Progrès et contraintes

L'essor des technologies numériques disponibles au cours des dernières décennies a transformé pratiquement tous les secteurs de l'économie mondiale, et l'agriculture ne fait pas exception. Les technologies de l'information et de la communication (TIC), telles que les téléphones mobiles et les messages SMS, modifient la manière dont les agriculteurs suivent les tendances météorologiques, accèdent aux informations sur les marchés, interagissent avec les négociants et les agences gouvernementales, et sont payés pour leurs récoltes.

Par son impact sur l'agriculture, cette révolution numérique, surnommée "quatrième révolution industrielle" par le fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, Klaus Schwab, a un énorme potentiel de réduction de la pauvreté dans les régions en développement. Selon un récent article du Forum économique mondial, la croissance du secteur agricole peut être au moins deux fois plus efficace pour réduire la pauvreté que la croissance d'autres secteurs, et il a été démontré que les interventions intégrant les nouvelles technologies numériques accélèrent la croissance agricole.

Premièrement, les TIC peuvent accroître la résilience des agriculteurs face à divers chocs. En améliorant leur accès aux informations sur la météo et les marchés, les technologies numériques peuvent aider les agriculteurs à prendre des décisions plus éclairées concernant le moment et les cultures à planter, ainsi que le moment et le lieu de vente de ces cultures. Par exemple, l'application mobile Tigo Kilimo , lancée en Tanzanie en 2012, fournit des informations météorologiques et agronomiques actualisées ; de même, le programme mobile Connected Farmer en Afrique de l'Est envoie des prix de marché actualisés sur les téléphones portables des agriculteurs, ce qui leur permet de sélectionner les meilleurs marchés et les meilleurs moments pour vendre. Connected Farmer permet également aux agriculteurs de recevoir des paiements et des reçus numériques. C'est important non seulement parce que cela permet aux agriculteurs d'être payés plus rapidement et de manière plus fiable, mais aussi parce que cela les aide à établir un historique financier documenté, ce qui leur permet d'accéder plus facilement au crédit, à l'assurance et à d'autres instruments financiers qui peuvent les aider à se prémunir contre les chocs de revenus.

Deuxièmement, les TIC peuvent regrouper les petits exploitants agricoles dans des endroits éloignés, ce qui permet aux entreprises agroalimentaires et aux transformateurs de travailler plus facilement avec eux. Traditionnellement, les négociants et les agriculteurs passaient énormément de temps à se rendre dans les exploitations individuelles et à en revenir pour négocier les contrats, évaluer les récoltes et percevoir les prêts et les paiements. L'utilisation des technologies mobiles pour gérer l'aspect commercial des choses - de l'établissement des contrats avec les agriculteurs à l'envoi des paiements et des reçus - permet de réduire à la fois le temps et les coûts de transport et rend les entreprises plus disposées à travailler avec des agriculteurs éloignés.

L'implication du secteur public et du secteur privé dans les interventions en matière de TIC sera essentielle pour garantir leur adoption à grande échelle. Les gouvernements et les agences de développement peuvent contribuer à la prise en charge des coûts de démarrage et fournir des données essentielles pour garantir une conception adéquate des programmes. Les acteurs du secteur privé, quant à eux, peuvent investir dans la recherche et le développement (R&D) et passer des contrats avec les transformateurs et les entreprises agroalimentaires pour les aider à tirer profit des nouvelles technologies.

Il est clair que les TIC ont un rôle important à jouer dans la croissance des pays en développement ; toutefois, il existe plusieurs facteurs contraignants, comme l'explique le chapitre 6 du rapport 2013 de l'IFPRI sur les politiques alimentaires mondiales. Si les abonnements à la téléphonie mobile ont connu une croissance significative dans le monde entier au cours des 20 dernières années, l'auteur du chapitre suggère que ces taux de pénétration ne disent peut-être pas tout. Les données d'enquête détaillées du rapport 2013 montrent que des différences importantes subsistent entre les zones rurales et urbaines. Au Brésil, par exemple, la connectivité mobile dans les zones rurales était de 53,2 % ; dans les zones urbaines, ce taux était de 83,3 %. Au Ghana, ces taux étaient respectivement de 29,6 % et 63,5 %, alors qu'ils étaient de 51,2 % et 76 % en Inde. Ces chiffres montrent clairement que d'importants écarts d'accès subsistent et doivent être comblés pour assurer une croissance inclusive.

Un deuxième facteur contraignant est le contenu de l'information partagée par le biais des TIC. Si les nouvelles technologies, aussi intéressantes soient-elles, ne fournissent pas le type d'informations dont les agriculteurs ont réellement besoin, elles ne seront pas adoptées. Pour que l'information ait un impact sur les décisions de production et de commercialisation des agriculteurs, elle doit être correctement ciblée. Le chapitre cite une étude menée à Gujarat, en Inde, dans laquelle les messages vocaux ont été utilisés de deux manières : pour envoyer aux agriculteurs des informations hebdomadaires sur la météo et l'état des cultures et pour permettre aux agriculteurs d'appeler une ligne directe et de poser aux agronomes leurs propres questions spécifiques. Les résultats préliminaires de l'étude ont montré que les agriculteurs ayant accès à ce service, fourni de manière aléatoire, ont commencé à utiliser des pesticides plus sûrs et à investir dans la culture du cumin, une culture à forte valeur ajoutée. Cela suggère que l'utilisation d'une communication bidirectionnelle entre les agriculteurs et les spécialistes de l'agriculture, plutôt que de s'appuyer simplement sur un message envoyé aux agriculteurs sans possibilité de réponse, pourrait être un moyen plus efficace de diffuser des informations importantes.

La résolution de ces deux contraintes - connectivité et contenu - nécessitera des innovations de la part des secteurs public et privé. En novembre, le CTA a organisé un hackathon à Durban, en Afrique du Sud, axé sur le changement climatique et l'utilisation de données ouvertes. En février, la Banque mondiale organisera un hackathon à Kampala, en Ouganda, pour réfléchir à de nouvelles façons d'utiliser la technologie mobile dans l'agriculture. L'événement sera soutenu par un financement de la Corée du Sud et réunira des jeunes ougandais et sud-coréens, ainsi que des développeurs, des agriculteurs et des partenaires internationaux. L'application gagnante sera mise en œuvre dans le cadre du travail de la Banque mondiale avec le ministère ougandais de l'agriculture, de l'industrie animale et de la pêche.