Nouvelles études sur les avantages économiques d’une meilleure nutrition
La malnutrition place un fardeau économique significatif sur les pays d’Afrique, coûtant entre 3 et 16 pour cent du PIB annuel, selon un nouveau document de travail du Panel mondial sur l’agriculture et les systèmes alimentaires pour la nutrition (GLOPAN). Ainsi, l’amélioration de la nutrition dans la région ne devrait pas être considérée comme un simple résultat du développement ; au contraire, les interventions de la nutrition devraient être des moteurs potentiels du développement et de la croissance économique. Le document a été élaboré à la demande de GLOPAN et de la Banque Africaine de Développement (BAD) et a été publié en mai de cette année dans le cadre de la réunion annuelle de la BAD. Les deux organisations ont aussi appelé à la création d’une nouvelle entité de prise de décision au plus haut niveau (les leaders Africains de la nutrition) pour traiter la malnutrition dans la région.
La lutte contre la malnutrition est particulièrement cruciale en Afrique Sub-saharienne où 36 pour cent des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique, 41 pour cent de ces enfants souffrent de déficience en vitamine A, 24 pour cent présentent une insuffisance en zinc et 20 pour cent présentent une carence en fer. A partir de 2013, aucun pays de la région n’avait un taux de prévalence du retard de croissance (taille insuffisante par rapport à l’âge) de moins de 19 pour cent. De plus, l’Afrique sub-saharienne connait actuellement une forme relativement nouvelle de malnutrition – l’obésité. Ce triple fardeau de la malnutrition – malnutrition, obésité et carence en micronutriments – entraîne des taux de mortalités plus élevés, des taux élevés de mauvaise santé et de décès prématurés parmi les adultes, un faible développement physique et cognitif, une plus faible productivité et une faible génération de revenus.
Sur une note plus optimiste, cependant, traiter correctement le défi de la malnutrition peut avoir des avantages économiques importants. Le document de GLOPAN a montré que pour un ensemble de 15 pays africains, si l’objectif de 2025 de l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) pour le retard de croissance (soit une réduction de 40 pour cent du nombre d’enfants de moins de 5 ans souffrant de retard de croissance) est atteint, cela représentera un gain de 83 milliards de dollars supplémentaires en termes de revenus nationaux. Pour l’Ethiopie, ce montant sera de 15,9 milliards, pour l’Ouganda 7,5 milliards et pour le Nigeria 29,3 milliards. Le document stipule aussi qu’en Afrique, chaque dollar investi dans la réduction de la malnutrition chronique chez les enfants rapporte 16 dollars.
Le document cite une recherche récente qui identifie dix interventions de nutrition avec un bon rapport coût/efficacité permettant de réduire la malnutrition chez les enfants et les femmes (deux groupes prioritaires) :
1. L’iodation universelle du sel
2. La supplémentation en micronutriments multiples pendant la grossesse
3. La supplémentation en calcium pendant la grossesse
4. La supplémentation en protéines énergétiques pendant la grossesse
5. La supplémentation en vitamine A pendant l’enfance
6. La supplémentation en zinc pendant l’enfance
7. La promotion de l’allaitement maternel
8. L’éducation à une alimentation complémentaire
9. La supplémentation alimentaire
10. La gestion de la malnutrition aigüe sévère
Le document prend le Sénégal comme exemple pour déterminer les impacts de cet ensemble d’interventions. Si le Sénégal avait mis en œuvre tout le package en 2016, ses principaux bénéficiaires (des enfants de moins de deux ans) seraient entrés dans la main d’œuvre active en 2034 à l’âge de 18 ans. Pour cette année en question, le revenu moyen au Sénégal, sans ces interventions, est estimé par l’auteur à 2.592 dollars. Avec une mise en œuvre complète de ces interventions, cependant, l’auteur prévoit que les revenus moyens en 2034 seraient de 11,3 pour cent supérieur.
Il est clair que les interventions spécifiques à la nutrition pourraient entraîner d’énormes retombées économiques. Le document souligne toutefois que ces gains seuls ne seront pas suffisants pour atteindre l’objectif de nutrition de l’AMS de 40 pour cent de réduction du retard de croissance d’ici 2025. Pour atteindre cet objectif, les pays auront devront également mettre en œuvre des interventions sensibles à la nutrition – ex. les interventions qui ne sont pas spécifiquement centrées sur les objectifs de nutrition mais qui soutiennent néanmoins ces objectifs.
En Afrique, de telles interventions entrent généralement dans le cadre de la protection sociale et des secteurs agricoles. De nombreux pays disposent de programmes tels que les transferts d’aliments ou de cash conçus pour améliorer la sécurité alimentaire des ménages ; en insérant des volets nutritions dans ces programmes, les gouvernements peuvent s’assurer que les gains en termes de sécurité alimentaire iront de pair avec une meilleure nutrition. Par exemple, l’Ethiopie a récemment incorporé un objectif de nutrition (améliorer la qualité de l’alimentation des enfants entre 6 et 24 mois) dans son Programme de Filets de Sécurité Productifs ; actuellement, la participation des hommes et des femmes adultes aux journées de formation sur la santé et la nutrition fait partie intégrante des interventions auprès des ménages dans le cadre du programme.
Dans le secteur agricole, le document souligne que la qualité nutritionnelle doit être une des préoccupations centrale du gouvernement, en plus de l’amélioration des rendements en agriculture. A inclure également : la promotion de la production de cultures bio-fortifiées pour aider à lutter contre les carences en micronutriments et l’amélioration les campagnes d’éducation pour enseigner aux populations, en particulier aux femmes et aux enfants, les pratiques d’une bonne nutrition et d’une bonne alimentation.
Les financements devront être intensifiés, à la fois du côté des gouvernements eux-mêmes mais aussi du côté des donateurs internationaux, pour une mise en œuvre efficace des interventions nécessaires pour atteindre tous le objectifs de l’AMS d’ici 2025. Le document suggère que la plupart des interventions prioritaires citées précédemment pourraient être mises en œuvre à travers l’ASS avec un supplément de 203 millions de dollars par an de la part des gouvernements africains et 400 millions par an de la part des donateurs.