Alors que le changement climatique continue de provoquer des chocs météorologiques toujours plus fréquents tels que la sécheresse et les inondations et des précipitations de plus en plus irrégulières, les petits agriculteurs des régions en développement comme l'Afrique subsaharienne sont souvent les plus durement touchés. Un nouveau livre électronique du Réseau Régional Intégré d’Information (RRII) signale que les températures moyennes dans la région devraient augmenter plus vite que la moyenne mondiale, entraînant une baisse des rendements agricoles et une augmentation de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire. Utilisant une série de rapports de terrain du Kenya, du Sénégal, du Nigeria et du Zimbabwe, le livre décrit les différentes menaces climatiques auxquelles sont confrontés les petits agriculteurs africains, ainsi que les différentes stratégies d'adaptation et de financement qui peuvent être utilisées pour relever les défis du changement climatique.
Un des rapports porte sur la désertification au Nigeria. La désertification est définie comme le processus par lequel les écosystèmes des zones arides sont dégradés par la destruction des arbres et des plantes ; à travers ce processus, les sols sont fortement érodés et salinisés, ce qui réduit la productivité agricole et les rendements des cultures. Selon le rapport, onze États du Nord du Nigeria sont actuellement menacés par la désertification. Ces États représentent 35% de la superficie totale du pays, abritent 40 millions de personnes, et jouent un rôle important dans l'élevage et la production agricole.
Les agriculteurs ont réagi à cette menace en plantant des arbres, en utilisant des pompes pour l'irrigation et en plantant des cultures plus résistantes aux conditions de la sécheresse ; plusieurs initiatives gouvernementales se sont également engagées à résoudre ce problème. Cependant, le rapport souligne que ces efforts n'ont pas été couronnés de succès ou ne se sont pas avérés suffisamment durables. Plus précisément, les initiatives des gouvernements nationaux ne se sont pas traduites par un financement suffisant au niveau local et n'ont pas activement impliqué les parties prenantes locales. En outre, ces initiatives n'ont souvent pas pris en compte les facteurs sous-jacents de la désertification, parmi lesquels on cite la pauvreté rurale. Le rapport suggère d'offrir des incitations économiques telles que des prêts de microfinancement et des subventions pour l’achat de machines agricoles, ainsi que des investissements dans les infrastructures rurales, pour aider à remédier à ces causes sous-jacentes et réduire la pression sur les terres arides. Pour remédier à la crise de la désertification au Nigéria de manière appropriée, il convient de mettre en œuvre des efforts coordonnés et multisectoriels tout en impliquant des acteurs nationaux et locaux.
Un second rapport souligne l'impact de la chenille légionnaire, apparue pour la première fois en Afrique sub-saharienne en 2016 et qui s'est depuis propagée dans 28 pays. Les conditions météorologiques récentes en Afrique australe – en particulier les périodes de sécheresse suivies de fortes pluies, entraînées par El Niño – semblent favoriser la propagation de la chenille légionnaire. Avec l’augmentation de la fréquence de tels événements météorologiques dus au changement climatique, la prolifération de cet insecte pourrait être renforcée. Selon le rapport, l'Afrique dans son ensemble pourrait perdre jusqu'à 3 milliards de dollars de maïs en 2018 des suites des dégâts causés par cet insecte. Les petits exploitants, qui produisent la majorité du maïs cultivé dans la région et qui ont un accès limité aux intrants et aux services agricoles, seront les plus durement touchés.
La lutte contre l’invasion de la chenille légionnaire est à la fois difficile et coûteuse. Selon le rapport, le Nigeria a dépensé 8 millions de dollars en 2017, tandis que la Zambie a dépensé 3 millions de dollars et l'Ouganda, 1,2 million de dollars. Les insecticides spécifiques les plus efficaces contre ce type de chenille légionnaire qui sévit actuellement dans la région restent encore à déterminer ; de plus, cet insecte peut devenir résistant aux insecticides chimiques, réduisant ainsi leur efficacité à long terme. Lors d'une réunion consultative de la FAO au Kenya en avril 2017, les suggestions suivantes ont été avancées : un nouveau cadre régional axé sur la surveillance et l'alerte précoce ; les évaluations d'impact ; la communication et la sensibilisation ; la coordination entre les pays et les acteurs. En outre, les experts demandent des investissements dans la recherche et le développement de biopesticides et d'insecticides botaniques, mais ces produits peuvent être coûteux et longs à produire et à distribuer efficacement. Des experts de la FAO ont également suggéré de planter des variétés de culture à maturation rapide et d’effectuer des plantations précoces, afin de réduire les dégâts causés par l’insecte. Cependant, le rapport conclut que, pour l’heure, aucune solution n'a été identifiée pour éradiquer complètement l’invasion.
Le livre met également en évidence les stratégies d'adaptation que les agriculteurs et les décideurs politiques peuvent adopter pour aider à relever les défis du changement climatique. Un des rapports utilisés décrit la stratégie ascendante adoptée par plusieurs comtés au Kenya. Dans ces domaines, les comités de planification du changement climatique ont pris l'initiative de travailler avec les résidents locaux pour planifier et exécuter des projets d'adaptation, lesquels sont financés par les gouvernements locaux plutôt que par les agences nationales. Un projet de ce genre implique une coopérative de femmes qui produit et vend de la mangue séchée (entre autres produits) ; ces femmes ont indiqué à leur comité local de planification que leur plus grand besoin était de disposer d'informations météorologiques précises et fiables, afin de planifier le moment opportun où il convient de faire sécher leurs produits. Pour répondre à ce besoin, le comité s'est associé au Département de Météorologie du Kenya, qui envoie désormais des prévisions météorologiques localisées aux membres de la coopérative par SMS chaque après-midi.
Le financement de ces comités au niveau du comté provient actuellement du Ministère Britannique pour le Développement International (DFID) et passe par un consortium composé d'organismes gouvernementaux locaux et d'ONG locales et internationales. Le DFID estime qu'à la fin de l’année 2017, ce consortium aura financé et exécuté des projets d'adaptation locaux bénéficiant à 2,5 millions de Kenyans. Le rapport souligne que cette approche ascendante et localisée pourrait être la clé de l'adhésion des parties prenantes et de l'adoption massive de meilleures stratégies d'adaptation au changement climatique.
Un autre rapport met l'accent sur l'importance des services de vulgarisation agricole efficaces dans la lutte contre les impacts négatifs du changement climatique. Les agents de vulgarisation agricole peuvent familiariser les petits agriculteurs avec les nouvelles informations et nouvelles technologies, afin qu'ils puissent accroître leur résilience, mieux s'adapter aux chocs climatiques et améliorer leur productivité agricole et leurs opportunités de marché. Cependant, le rapport indique que les services de vulgarisation en Afrique sub-saharienne sont généralement en sous-effectifs et sous-financés. Alors que la FAO recommande un agent de vulgarisation pour 400 agriculteurs, dans toute l'Afrique, ce ratio reste à environ 1 pour 3.000.
Pour remédier à cette situation, de nombreuses ONG se sont tournées vers des approches ascendantes dirigées par les agriculteurs pour fournir des services de vulgarisation. A titre d'exemple, le rapport présente Farm Africa, une ONG internationale travaillant en Afrique de l'Est pour encourager les services de vulgarisation entre agriculteurs, dans laquelle les voisins collaborent et apprennent les uns des autres ; ainsi que des partenariats entre agriculteurs et entreprises privées, dans lesquels les entreprises fournissent des services de vulgarisation directement aux agriculteurs puis achètent les cultures produites en utilisant ces services. Farm Africa a également encouragé l'utilisation des technologies mobiles telles que les tablettes électroniques, à la place des parcelles de démonstration traditionnelles, pour former les agriculteurs à l'amélioration des pratiques agricoles. Selon le rapport, la croissance de ces services de conseil et d'information pourrait constituer un canal important pour la croissance agricole en faveur des populations pauvres et de la résilience face au changement climatique.
Le rapport conclut qu’il convient de mettre davantage l’accent au niveau international sur l'adaptation au changement climatique, avec un accent particulier sur le financement des stratégies d'adaptation dans les pays en développement.