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Un nouvel outil d'évaluation rapide des risques pour la sécurité alimentaire posés par les chocs de prix mondiaux

Les prix internationaux des produits alimentaires de base ont connu une série de chocs au cours de la dernière décennie. Les prix du riz, du maïs et du blé ont grimpé en flèche en 2007-08 en raison des chocs de l'offre, de la demande de biocarburants et des restrictions au commerce d'exportation. Les prix des produits de base ont de nouveau augmenté en 2010-2011. Et plus récemment, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale à la suite de la pandémie de COVID-19 et de l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont fait grimper en flèche les prix internationaux des denrées alimentaires et des engrais, bien qu'ils se soient quelque peu modérés après avoir atteint un sommet à la mi-2022. Ces flambées des prix des produits de base ont eu des répercussions négatives sur la sécurité alimentaire dans de nombreux pays, mais l'impact le plus marqué concerne les pays à faible revenu qui dépendent fortement des importations alimentaires.

Les décideurs politiques nationaux et les organisations internationales de développement ont besoin de mieux informer sur la vulnérabilité de chaque pays aux différents types de chocs économiques. De telles informations peuvent faciliter l'élaboration de programmes et de politiques visant à se préparer à ces chocs internationaux des prix alimentaires et à y réagir. Pour répondre à ce besoin, le  Portail de la sécurité alimentaire de l'IFPRI  a lancé son nouveau tableau de bord pour une évaluation rapide de la vulnérabilité aux chocs mondiaux des prix alimentaires.

Un nouvel indice de vulnérabilité.

Ce nouvel outil du Portail de la sécurité alimentaire fournit une mesure simple de la vulnérabilité aux chocs de prix internationaux pour chaque pays et chaque produit alimentaire majeur. L'idée de base est de quantifier la vulnérabilité en évaluant le risque d'une insécurité alimentaire plus élevée dans les pays en raison d'une hausse du prix international d'un produit alimentaire tel que le riz ou le blé. Le tableau de bord des vulnérabilités fournit un indicateur composite comparable d'un pays à l'autre, avec trois composantes :

  • Part des calories que représente la denrée alimentaire dans l'alimentation nationale.
  • Part de la consommation nationale du produit qui provient des importations.
  • Part de la population en situation d'insécurité alimentaire.

Mathématiquement, l'indice de vulnérabilité aux importations alimentaires (IFIV) d'un produit alimentaire donné est calculé comme suit :

Où :

FIVI_ic = indice de vulnérabilité aux importations alimentaires pour le produit i et le pays c

C_ic = apport calorique moyen provenant de la marchandise i dans le pays c

M_ic = quantité des importations nettes de la marchandise i dans le pays c

Q_ic = quantité de la consommation intérieure du produit i dans le pays c

MFI_c = part de la population en situation d'insécurité alimentaire modérée ou sévère dans le pays c

La justification de l'utilisation d'un indice multiplicatif est que la vulnérabilité devrait être nulle si (a) le produit ne fait pas partie de l'alimentation locale, (b) la consommation intérieure est entièrement basée sur la production nationale sans dépendre des importations, ou (c) il n'y a pas d'insécurité alimentaire dans le pays.

Le tableau de bord fournit des estimations de l'indice de vulnérabilité aux importations alimentaires pour 15 aliments de base, sélectionnés pour leur importance en tant que source de calories dans l'alimentation mondiale : blé, riz, maïs, sorgho, millet, haricots, arachides, soja, manioc, ignames, pommes de terre, patates douces, bananes plantains, huile végétale et sucre.

Le nouveau tableau de bord définit également un FIVI agrégé au niveau national : la moyenne géométrique de (a) la moyenne pondérée du taux de dépendance aux importations pour les 15 produits de base pour chaque pays (où les poids sont la contribution calorique de chaque produit au total des calories de base dans ce pays) et (b) la part de la population qui est en situation d'insécurité alimentaire modérée ou sévère.

L'indice national d'insécurité alimentaire sera faible si les importations représentent une faible part des calories consommées à partir des 15 aliments de base ou si la part de la population en situation d'insécurité alimentaire modérée ou sévère est faible. À l'inverse, l'indice national de la santé et des ressources alimentaires sera élevé si une grande partie des calories des 15 aliments de base consommés provient d'importations et qu'une grande partie de la population est confrontée à une insécurité alimentaire modérée ou sévère.

Vulnérabilité à la hausse des prix du riz

Le riz est un exemple de la façon dont le tableau de bord peut être utilisé pour évaluer la vulnérabilité à la flambée actuelle des prix alimentaires. Les prix du riz sur les marchés internationaux ont augmenté de plus de 25 % entre avril et novembre (figure 1). Cette flambée a été alimentée par les perturbations de la production causées en partie par le phénomène El Niño et d'autres conditions météorologiques défavorables dans certains grands pays producteurs de riz, ainsi que par de nouvelles restrictions commerciales et la constitution de stocks dans les principaux pays producteurs, dans un contexte d'inquiétudes concernant d'éventuelles pénuries.

Figure 1

Prix international du riz, 1er janvier-27 novembre 2023 (indice composite, janvier 2000=100)

À l'aide du nouveau tableau de bord, il est possible d'identifier rapidement les 15 pays les plus vulnérables à cette flambée des prix, comme le montre le tableau 1, ainsi que les composantes utilisées pour calculer le FIVI. Les pays les plus vulnérables se trouvent en Afrique à faible revenu, notamment le Libéria (score FIVI de 63), la Gambie, la Guinée-Bissau, les Comores, la Sierra Leone, le Bénin, Djibouti et le Mozambique. D'autres pays très vulnérables sont Haïti, le Timor-Leste et plusieurs autres petites nations insulaires. Ces pays sont les plus vulnérables parce qu'ils sont fortement dépendants des importations de riz (43 % à 100 %), qu'ils ont une part élevée de riz dans l'apport calorique total (12 % à 47 %) et qu'ils ont une forte prévalence de l'insécurité alimentaire (37 % à 87 %).

Tableau 1. Quinze pays présentant l'indice de vulnérabilité le plus élevé à la hausse des prix du riz

La figure 2 montre l'évolution de la vulnérabilité mondiale à la hausse des cours mondiaux du riz. (Les pays en bleu sont des exportateurs, ils ne sont donc pas considérés comme vulnérables et devraient en fait bénéficier de prix plus élevés du riz.) Outre ceux énumérés dans le tableau 1, le Sénégal, la Guinée, le Yémen et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont également des indices de vulnérabilité supérieurs à 40, ce qui les place dans la catégorie de vulnérabilité élevée.

Figure 2

Indice de vulnérabilité aux importations alimentaires (%) du riz

Nous constatons notamment que de nombreux pays d'Asie où le riz est l'aliment de base dominant ne sont pas particulièrement vulnérables au choc, principalement parce qu'ils exportent du riz ou n'importent qu'une petite partie de leurs besoins. Les pays les plus vulnérables, en revanche, sont confrontés à des défis politiques complexes pour faire face à la hausse des prix, dans un contexte de problèmes de capacité d'importation déjà affaiblie en raison des chocs mondiaux antérieurs de ces dernières années et de niveaux déjà élevés d'insécurité alimentaire. Les informations générées par le FIVI seront utiles aux décideurs politiques et aux partenaires internationaux du développement pour atténuer l'impact de ces chocs de prix sur la sécurité alimentaire.

Nicholas Minot est directeur adjoint de l'unité Marchés, commerce et institutions (MTI) de l'IFPRI ; Rob Vos est le directeur de MTI.

Remerciements :

Le tableau de bord de la vulnérabilité aux chocs mondiaux des prix alimentaires du Portail de la sécurité alimentaire  a été développé et est maintenu par une équipe plus importante composée de Boyeong Park, Soonho Kim, Sediqa Zaki, Pierre Mamboundou et les deux auteurs de cet article. Nous remercions la Commission européenne, le FCDO et l'USAID pour le financement de cette initiative.