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Réponses politiques face à la COVID-19 : Ce qui a fonctionné et les meilleures façons d’augmenter la résilience pour le futur

La pandémie de COVID-19 a lancé de nombreux défis aux pays. Les décideurs politiques ont dû répartir leurs ressources limitées entre la santé, les systèmes alimentaires et l’économie, dans un contexte d’état d’urgence sanitaire en évolution permanente et de récession. Les pays à faible revenus ont dû faire des choix particulièrement difficiles du fait de leurs budgets et de leurs capacités administratives limités.

Alors que les limites planétaires sont repoussées et que les pressions environnementales et sociales augmentent, nous pouvons anticiper des chocs multiples et plus fréquents qui requerront des réponses politiques rapides, flexibles et bien mises en place. Afin de comprendre la façon dont les gouvernements peuvent se préparer aux chocs futurs, le chapitre 2 du Rapport global sur les politiques alimentaires publié par l’IFPRI en 2021 évalue les réponses politiques mises en place face à la pandémie et les leçons à en tirer afin d’améliorer la résilience à long-terme des systèmes alimentaires.

Cette étude pose trois questions : de quelles manières les gouvernements ont-ils agit pour contrer la pandémie ? Quels facteurs déterminent le succès des réponses politiques ? Quelles politiques publiques pourraient améliorer la résilience des systèmes alimentaires dans le futur ?

De quelle manières les gouvernements ont-ils agit pour contrer la pandémie ?

Des chercheurs de l’IFPRI ont classé les réponses politiques selon trois phases : urgence, reprise, et résilience.  Les mesures de réponses urgentes incluent le confinement, les interventions en urgence pour contrôler la transmission du virus, et le soutien rapide des ménages et des entreprises durement touchés par la crise. Dans la phase de reprise, les gouvernements font des investissements plus ciblés dans les secteurs principalement impactés et mettent en place des plans de vaccination. La plupart des pays se trouvent toujours dans les phases de réponses urgentes et de reprise, mais certains commencent à se reconstruire, en se concentrant sur les stratégies de long-terme pour rendre les systèmes alimentaire, économique et sanitaire plus résilients.

La nature sans précédent de la pandémie explique que les décisionnaires politiques aient peu d’expériences sur lesquelles s’appuyer pendant les premières phases. De plus, les effets de la pandémie étaient très différents d’un pays à l’autre, donc ce qui fonctionnait dans un pays ne fonctionnait pas nécessairement dans un autre pays. Par exemple, les pays tel que l’Egypte qui dépendent du tourisme et des transferts d’argent ont été particulièrement touchés, alors que les pays tel que le Rwanda où le respect des règles sociales est important ont pu imposer des confinements ciblés et sont vite passés à la phase de reprise. Certains pays ont fait face à des crises concomitantes, tel que le Honduras avec les ouragans Eta et Iota, qui ont compliqué les décisions politiques à cause du budget limité et des systèmes de santé submergés. Afin d’améliorer la résilience des systèmes alimentaires, nous devons observer ces divers contextes pour comprendre quels ont été les déterminants des succès et des échecs des réponses politiques mises en place.

Quels facteurs déterminent le succès des réponses politiques ?

Les meilleures mesures ont été mises en place dans les systèmes politiques résilients, où les décisionnaires faisaient face aux crises de manière informée, cohérente, et au bon moment, ce qui augmentait leur crédibilité et la confiance des citoyens. Il existe trois caractéristiques principales de systèmes politiques résilients : l’adaptabilité ; la cohérence et la coordination ; et l’efficacité de la mise en place et du contrôle des mesures prises. D’autre part, la qualité des systèmes d’exécution est un facteur important du succès des mesures politiques.

Les pays sachant s’adapter ont soutenu l’innovation afin que les marchés continuent de fonctionner tout en réduisant la transmission de la maladie. Au Ghana, des drones ont été déployés dans les zones rurales afin d’accélérer l’acheminement de fournitures médicales et de tests pour la COVID-19. En Afrique de l’Est, l’Initiative régionale de cargo électronique et de localisation des conducteurs a été mise en place afin de contrôler les conducteurs vis-à-vis de la COVID-19 et de réduire les temps d’attente à la frontière. Des idées créatives ont été développées rapidement dans les pays qui profitent d’un environnement de travail qui favorise les partenariats avec les entreprises du secteur privé. Les infrastructures digitales ont également été importantes, de même que la gouvernance concernant la nature privée des données, la partage de données, et l’accès inégal à la technologie.  

Trois types de coordination sont nécessaires afin de mettre en place des mesures cohérentes et bien coordonnées : horizontale, verticale et temporelle. De nombreux gouvernements commencent par se concentrer sur la coordination horizontale, à travers les secteurs, en formant des équipes interministérielles. La coordination verticale, à travers différents niveaux hiérarchiques au sein du gouvernement, est souvent plus difficile à mettre en place. Ceci est d’autant plus vrai dans les pays où le degré de polarisation politique est élevé ou lorsqu’il existe une autonomie infranationale contrôlant les systèmes de santé, notamment dans les pays fédéraux. La coordination temporelle, c’est-à-dire à travers le temps, est également très difficile à atteindre. Par exemple, en Inde, le premier ministre a annoncé le confinement de mars 2020 seulement 4 heures avant sa mise en place, et les systèmes de transport n’étaient pas prêts pour assurer le retour de millions de migrants vers les zones rurales, ce qui a contribué à l’augmentation des infections de coronavirus.

La réussite de la mise en place et de l’imposition de certaines mesures nécessite une administration forte et des citoyens qui aient confiance en leur gouvernement. Les systèmes administratifs forts sont caractérisés par des ressources financières et humaines suffisantes, des mécanismes de surveillance et de responsabilité, et des institutions publiques indépendantes. Pendant la pandémie, la faiblesse des systèmes administratifs a empêché la bonne mise en place des transferts d’argent et des mesures de soutien à cause de corruption des gouvernements et de thésaurisation. La confiance des citoyens dans leur gouvernement se dégrade lorsque les politiques de soutien n’aboutissent pas, ce qui peut donner lieu au non-respect des confinements ou à des refus d’être vacciné.

Quelles politiques publiques pourraient améliorer la résilience des systèmes alimentaires dans le futur ?

La COVID-19 a créé de nombreuses perturbations sans précédent à travers les secteurs. Toutefois, les pays peuvent en tirer certaines leçons et principes à appliquer lors des prochaines crises. Alors qu’ils rentrent à présent dans la phase de reconstruction, ils peuvent collecter des données pour comprendre l’interaction entre les mesures politiques sanitaires, économiques et sociales afin de soutenir des décisions rapides et factuelles. Ils peuvent également améliorer leurs systèmes d’exécution pour rapidement étendre ou adapter les protections sociales pour les plus pauvres et les plus vulnérables.

Afin d’encourager l’innovation privée dans les systèmes alimentaires, notamment par les petites et moyennes entreprises, les pays devraient développer de meilleurs environnements de travail comprenant des règles commerciales flexibles pour le secteur alimentaire. Ces environnements devraient inclure une forte gouvernance vis-à-vis de la technologie afin de s’assurer que les outils digitaux soient bien exploités et soient accessibles de manière équitable. Enfin, les gouvernements peuvent développer des processus permettant d’améliorer la coordination afin que cette dernière soit instaurée de manière verticale, horizontale et temporelle, de façon a augmenté la confiance des citoyens.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les fragilités de nos systèmes alimentaires. Cependant, avec les bons changements politiques, nous pouvons rendre ces systèmes plus forts, plus adaptables, et plus durables à l’avenir.

 

John McDermott est Directeur du Programme sur l’agriculture pour l’alimentation et la santé (A4NH) du CGIAR, dirigé par l’IFPRI ; Danielle Resnick est chercheuse senior dans le département Développement de la stratégie et gouvernance de l’IFPRI et dirige le thème de la gouvernance à l’IFPRI ; Nichola Nyalor est chercheur à la London School of Hygiene and Tropical Medecine ; Jessica Wallach est interne en communication à l’IFPRI et étudiante en Master Développement international agricole à l’Université de Californie, Davis.

Source: IFPRI.org