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Résumé du dialogue virtuel : ISA pour l’accès aux aliments et la nutrition

Il est crucial de disposer de données fiables et actuelles pour lutter contre la faim et la malnutrition et pour stimuler le développement en Afrique sub-saharienne. Cependant, il existe des lacunes significatives en matière de recherche et de données, à la fois en termes de disponibilité de l’information et de l’utilisation efficace et transparente de cette information par les décideurs politiques. (Pour de plus amples discussions sur les lacunes existantes, consultez notre manifestation parallèle lors de la récente conférence 2016 du ReSAKSS.) L’amélioration de l’information sur la sécurité alimentaire (ISA) est par conséquent un objectif de développement qui va de pair avec l’éradication de la faim.

Les 29 et 30 novembre, le portail de la sécurité alimentaire pour l’Afrique sub-saharienne a organisé un dialogue virtuel pour discuter de la manière dont l’ISA peut être améliorée pour répondre aux besoins en termes d’accès aux aliments et de nutrition. L’évènement a rassemblé un panel d’experts qui ont suscité le débat et répondu aux commentaires et aux questions des participants. Parmi les experts, on peut citer la présence de Mohamed Ag Bendech, FAO, haut-fonctionnaire en nutrition (Ghana) ; Maurice Lorka N'Guessan, Union Africaine, en charge du processus de révision du PDDAA ; Sheryl Hendriks, Université de Pretoria, Afrique du Sud, Directrice de l’Institut pour l’Alimentation, la Nutrition et le Bien-Etre ; le professeur Joyce Kinabo, Université de Sokoine, Tanzanie ; Simon Kimenju,  Institut Tegemeo de politique agricole et de développement ; et Abdoulaye Ka, coordinateur national au Sénégal de la Cellule de Lutte contre la Malnutrition.

Ci-dessous, les cinq questions principales qui ont été soulevées pendant les discussions accompagnées d’un résumé des commentaires :

Quels types de mécanismes/outils d’ISA sont utilisés pour suivre l’accès au marché, les prix et la nutrition au niveau des ménages ?

Les gouvernements et les partenaires au développement ont intensifié leurs efforts pour augmenter et améliorer l’information sur la sécurité alimentaire au cours des dernières années ; et un certain nombre d’outils ont été développés pour améliorer la collecte et l’utilisation des données liées à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Par exemple, le Réseau d’Information sur la Sécurité Alimentaire (RISA) est une initiative mondiale co-sponsorisée par la FAO, le PAM et l’IFPRI, pour renforcer les systèmes d’information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle afin de produire des données fiables et précises permettant d’orienter l’analyse et la prise de décision. Les experts et les participants ont identifié un certain nombre d’indicateurs généraux et de sources de données qu’il convient d’inclure dans l’information sur la sécurité alimentaire, à savoir, entre autres : les enquêtes sur le budget des ménages pour suivre les schémas de consommation et de dépenses ; les données anthropométriques pour évaluer le statut nutritionnel ; et des données sur le climat pour suivre les schémas des précipitations.

Les experts ont ensuite présenté des exemples d’outils nationaux de l’ISA qui sont utilisés à travers la région et qui fonctionnent sous divers mandats pour collecter une série d’indicateurs de sécurité alimentaire et de nutrition aux niveaux national, local et familial. Ils ont aussi cité des exemples d’agences et d’organisations engagées dans la collecte et l’analyse de l’information sur la sécurité alimentaire. La liste non exhaustive des agences de collecte et de suivi de la région incluait, entre autres : la DGESS (Direction Générale des Etudes Sectorielles et de la Statistique) du Burkina Faso ; le Groupe Directeur de la Sécurité Alimentaire du Kenya (KFSSG) ; divers ministères et organisations de la société civile en Tanzanie, y compris le Ministère du Travail et de l’Emploi, le Ministère de l’Eau, le Ministère des Ressources Naturelles et du Tourisme, le Département pour l’Eradication de la Pauvreté du Ministère des Finances, le Bureau du Président, la Commission de la Planification, la Banque de Tanzanie, le Centre de Formation en Statistique de l’Afrique de l’Est, le Centre de Recherche sur la Réduction de la Pauvreté, la Fondation pour la Recherche Economique et Sociale et l’Université de Dar es Salaam.

Le débat sur les données et les mécanismes existants en termes d’ISA a aussi mis en lumière le fait que des données très importantes demeurent difficiles à trouver et que de nombreux efforts pour collecter ces données s’avèrent inutiles, disparates, ou trop vagues. Voir la Question 3 ci-dessous pour plus de détails sur la discussion concernant les lacunes à combler en termes de données.

De quoi ont besoin les pays pour leur permettre d’adopter et d’utiliser efficacement les outils d’ISA afin d’établir des priorités nationales ?

Afin d’améliorer leur collecte de données et leur utilisation des ISA, les gouvernements à travers la région devront surmonter de nombreux obstacles, y compris l’insuffisance des financements et un manque de coordination et de partage de l’information entre les acteurs de la sécurité alimentaire. Mohamed Ag Bendech a attiré l’attention sur le système agro-alimentaire en mutation, déclarant que les stratégies au niveau national doivent être centrées sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et non pas uniquement sur « des points d’interventions du passé ». Pour étendre cette vision, les secteurs publics et privés, de même que les acteurs de la société civile et les organisations internationales, doivent travailler ensemble de manière à définir clairement les rôles de chacun.

Les participants ont confirmé que le problème de communication et de coordination représente effectivement un défi majeur dans l’amélioration de l’ISA. Simla Tokgoz de l’IFPRI a mis en avant le projet MAFAP de la FAO et le Consortium Ag-Incentives comme des exemples de collaboration réussie entre les organisations internationales et les analystes locaux dans la collecte de données. Plus important encore, l’analyse des données permettrait aussi d’améliorer la qualité des données et d’identifier les lacunes.

Sheryl Hendricks a déclaré que la première étape dans l’amélioration de l’utilisation de l’ISA dans la région est l’établissement d’un ensemble d’indicateurs convenus et standardisés pour suivre et documenter les progrès réalisés dans l’atteinte des objectifs nationaux et régionaux de sécurité alimentaire. Elle a présenté les ODD et le cadre de résultats du PDDAA comme étant de bons points de départ pour permettre aux pays de définir ensemble les indicateurs. Cependant, les pays de la région doivent encore faire des progrès dans la mise en œuvre du cadre du PDDAA, en particulier en ce qui concerne le suivi/évaluation des progrès.

Mohamed Ag Bendech et Abdoulaye Ka ont tous deux mentionnés l’importance de renforcer les capacités techniques des pays pour suivre et documenter les indicateurs et les objectifs de l’ISA ; les groupes de la communauté de praticiens de la FAO ont été présentés comme un canal pouvant être utilisé à cet effet.

Dans le cadre de l’augmentation de la collaboration et du financement, les gouvernements de la région devront mettre en place des environnements favorables et des cadres réglementaires adéquats permettant aux acteurs du secteur privé de moderniser de manière efficace et inclusive les chaînes de valeurs alimentaires dans la région.

Quelles lacunes existe-t-il en matière de données sur l’accès aux aliments et sur la nutrition dans la région?

D’après Simon Kimenju, les données de consommation alimentaire représentatives au niveau national sont le principal élément manquant. Bien que les enquêtes intégrées du budget des ménages couvrent les dépenses en produits alimentaires, elles ne fournissent pas d’information sur les quantités de produits alimentaires achetées et/ou consommées.

Joyce Kinabo et de nombreux autres participants ont discuté de la nécessité de disposer de données sur les produits agricoles autres que les cultures céréalières de base. Dans de nombreux pays en Afrique sub-saharienne, les cultures de rente (telles que le cacao, le café et les oléagineux) jouent un rôle important dans le revenu des agriculteurs et dans les recettes fiscales de l’exportation ; cependant, il est difficile de trouver des données concernant les prix et la production de ces cultures importantes. Les données couvrant les pertes alimentaires et le gaspillage le long des chaînes de valeur agricoles sont également nécessaires pour obtenir une image plus nette de la production et de la disponibilité alimentaire dans la région.

En ce qui concerne la nutrition, les données concernant les déficiences en micronutriments et la disponibilité saisonnière des cultures de haute valeur nutritionnelle ont été soulignées comme des lacunes importantes à combler. Sheryl Hendricks a mentionné la nécessité de mieux analyser les données de nutrition collectées à travers les Enquêtes Démographiques et Sanitaires (EDS) ; elle a aussi souligné la nécessité de multiplier les collectes et les analyses des données sous régionales. Les participants ont aussi soulevé le problème des incohérences dans les données de consommation alimentaire ; par exemple, les bilans alimentaires, qui sont souvent utilisés dans le calcul des niveaux de malnutrition, sont souvent limités aux céréales et aux tubercules et ignorent ainsi d’autres sources nutritionnelles importantes telles que les légumineuses.

Pour finir, ce sont les questions de la qualité, de la pertinence et l’exactitude des données qui ont été débattues. L’accent mis sur les céréales et les tubercules, au détriment des autres cultures et des sources alimentaires indigènes, pourrait signifier que les données collectées sur la malnutrition et la nutrition ne sont pas véritablement représentatives des conditions « sur le terrain ». Un participant a suggéré que les données sur l’alimentation et la nutrition soient définies et identifiées sur la base des conditions et des circonstances locales du pays. De plus, la collecte de données est souvent fragmentée à travers de multiples secteurs (ministères, organisations de recherche, etc.). De telles données doivent être mieux intégrées, ce qui illustre encore une fois le besoin de coordination et de communication parmi les parties prenantes de l’Information sur la Sécurité Alimentaire.

A quoi pourrait ressembler un paysage institutionnel efficace dans la collecte et l’utilisation de l’ISA pour l’accès aux aliments et la nutrition ?

Les experts et les participants ont convenu qu’un paysage institutionnel efficace d’Information sur la Sécurité Alimentaire doit pouvoir inclure un large éventail d’acteurs (publics et privés) et adopter une approche multisectorielle. Sheryl Hendricks a souligné l’importance de l’utilisation et de l’amélioration des institutions locales de recherche, tandis que Mohamed Ag Bendech a suggéré l’utilisation de plateformes de partage des informations fournies à travers un site web centralisé, à l’image du projet en cours de la Commission de l’Union Africaine pour créer un Centre des meilleures pratiques pour la sécurité alimentaire de l’Union Africaine .

De telles plateformes nécessiteront une plus grande coordination et une meilleure coopération parmi les acteurs, ainsi qu’une identification plus précise des données exactes, fiables et pertinentes. Il a été suggéré que les efforts généraux de coordination, de suivi et d’évaluation de l’ISA restent la priorité des hautes instances gouvernementales telles que le Bureau du Premier Ministre ou les Ministères des Finances et du Plan ; le financement pour la coordination du travail de l’ISA devrait provenir des budgets nationaux. Simon Kimenju a suggéré que les ministères clés ou les bureaux nationaux de statistique pourraient accueillir une équipe de chercheurs en information sur la sécurité alimentaire chargés superviser des efforts plus étendus de collecte et d’analyse de données. Les participants ont aussi appelé à une meilleure appropriation au niveau local des efforts de collecte de données, et à fournir des rôles précis et des incitations aux acteurs du secteur privé.