Rapport de 2020 sur la Sécurité Alimentaire et la Nutrition
Articles associés
D’après le Rapport de 2020 sur la Sécurité Alimentaire et la Nutrition , publié mi-juillet, la famine continue d’augmenter en Afrique Subsaharienne.
La dernière édition du rapport estime qu’environ 690 millions de personnes dans le monde, l’équivalent de 8.9% de la population mondiale, étaient sous-alimentées en 2019. Sur ces 690 millions, deux cent cinquante millions vivaient en Afrique. 19.1% de la population totale du continent était sous-alimentée en 2019. Ce ratio correspond à la fraction la plus élevée de population sous-alimentée dans le monde et a augmenté de 1,5% depuis 2014.
La majorité de la population africaine sous-alimentée vit au sud du Sahara, avec 234,7 millions des 250 millions de personnes en tout situées dans cette région. De plus, le nombre de personnes sous-alimentées en Afrique Subsaharienne a augmenté d’environ 32 millions depuis 2015. L’augmentation de la famine en Afrique Subsaharienne a tout particulièrement touché les régions de l’est et de l’ouest, où le nombre de personnes sous-alimentées a respectivement augmenté de 95 millions à 117,9 millions et de 36,9 millions à 59,4 millions entre 2015 et 2019. Le centre de l’Afrique a également souffert d’une augmentation de la famine, allant de 39,7 millions à 51,9 millions de personnes sous-alimentées.
Comme souligné dans de nombreux autres rapport, tel que le Rapport Global sur les Crises Alimentaires , les déterminants principaux de cette augmentation de la sous-nutrition et de la famine en Afrique Subsaharienne sont les conflits, les chocs liés au changement climatique, les évènements climatiques extrêmes, et les défis économiques.
Le Burundi, la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, la République Démocratique du Congo, la Libye, le Mali, le nord-est du Nigéria, la Somalie, et le Soudan du Sud ont tous fait face à des conflits persistants ces dernières années. Ces conflits permanents ont limité l’accès de la population à la nourriture et aux denrées agricoles et ont fortement affecté la vie des populations rurales. De plus, étant donné que les conflits délocalisent les populations, ces migrants ont créé une pression supplémentaire sur les systèmes alimentaires des pays voisins : cela a été le cas pour la République Démocratique du Congo, le Kenya, l’Ethiopie, et le Soudan.
Le changement climatique et les tendances météorologiques imprévisibles ont réduit le rendement des cultures dans certaines régions de l’Afrique Subsaharienne ces dernières années. Par exemple, le Corne de l’Afrique a souffert de rendement plus faible sur le maïs, le sorgho, et les arachides - des produits critiques à la fois pour les producteurs et pour les consommateurs locaux. La sécheresse en Afrique de l’Est et du Sud, notamment à Madagascar, en Afrique du Sud, en Zambie et au Zimbabwe, a également contribué à l’augmentation de la famine. Ces chocs environnementaux ont exacerbé la compétition pour les ressources naturelles rares, empirant le cycle de conflits et de famines.
Les défis économiques ont eux aussi joué un rôle principal dans l’augmentation de la famine en Afrique Subsaharienne. En Afrique de l’Ouest, des facteurs économiques négatifs ont émergés en même temps que la sous-nutrition en Gambie, en Guinée-Bissau, en Mauritanie, au Niger, au Nigéria, et en Côte d’Ivoire.
Le rapport démontre que, même sans les effets attendus de la pandémie de COVID-19, l’Afrique est loin d’atteindre l’objectif de développement durable d’éradication de la famine d’ici 2030. La population sous-alimentée sur le continent pourrait atteindre 25,7% si ces tendances persistent. Cela impliquerait qu’environ 433 millions de personnes seraient sous-alimentées sur le continent en 2030, dont 412 millions serait en Afrique Subsaharienne.
Le rapport de 2020 examine également les différentes dimensions de la malnutrition, et notamment les maladies dégénérescentes et les retards de croissance chez les enfants, ainsi que le surpoids et l’obésité chez les adultes et les enfants.
En 2019, l’Afrique comptait 40% des enfants présentant des retards de croissance dans le monde. En Afrique Subsaharienne, ce pourcentage a diminué ces dernières années, de 34,5% à 31,1% ; cependant, ce taux de réduction est loin d’être suffisant pour atteindre l’objectif de développement durable d’ici 2030. D’autre part, alors que ce taux a diminué, le nombre total d’enfants présentant un retard de croissance a augmenté en Afrique Subsaharienne entre 2012 et 2019, de 51,2 millions à 52,4 millions. L’Afrique Subsaharienne est la seule région du monde possédant un taux croissant d’enfants présentant un retard de croissance.
Vingt-quatre pourcent des 38,3 millions d’enfants en surpoids dans le monde vivaient en Afrique en 2019. Cependant, la région a le plus faible pourcentage d’enfant en surpoids, à 4,7%. Le rapport montre que l’Afrique dans son ensemble a réussi à arrêter la tendance croissante du nombre d’enfants en surpoids mais reste loin de l’objectif de développement durable de 3% d’ici 2030.
Il existe des liens importants entre la qualité de l’alimentation, la sécurité alimentaire et la nutrition finale. Pour de nombreuses personnes en Afrique Subsaharienne, une nutrition saine (définie par de la variété/diversité, de l’adéquation, de la modération, et un équilibre global) est simplement inabordable et inaccessible. Afin de remédier à ce problème, les décideurs politiques, les chercheurs, et les agents du secteur privé devront travailler ensemble à une approche du système alimentaire qui permette l’accès à des produits alimentaires nutritifs. Une telle approche devrait inclure l’augmentation de la productivité et de la diversification de la production alimentaire, la réduction des pertes en amont et en aval de la récolte, et la mise en place de mesures agricoles, financières et commerciales effectives qui protègent et renforcent le système alimentaire aux niveaux local, régional, et mondial. Les décideurs politiques de la région devraient également promouvoir la réduction des conflits et renforcer les filets de sécurité sociale pour les populations vulnérables.
Le rapport de 2020 a été présenté le 14 juillet lors d’un séminaire virtuel organisé par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture de l’Amérique du Nord et l’IFPRI. Vous pouvez regarder l’enregistrement de ce séminaire ici .
Sara Gustafson est auteure indépendante.