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Le dernier numéro de African Economic Outlook [Perspectives Economiques pour l’Afrique] , publié par l’OCDE, constate que malgré une économie globale affaiblie, une baisse des prix des marchandises et quelques sérieux chocs climatiques, l’Afrique a connu une croissance économique positive en 2015.
Le rapport estime que la croissance réelle du PIB sur le continent en 2015 était de 3,6 pour cent, plus que la moyenne globale de 3,1 pour cent. Ce qui fait de l’Afrique la deuxième croissance économique la plus rapide du monde, avec 4,2 pour cent de croissance réelle du PIB en 2015. La croissance moyenne sur le continent devrait rester à 3,7 pour cent en 2016, mais le rapport déclare que la croissance pourrait accélérer à 4,5 pour cent en 2017 si la croissance économique globale est renforcée et si les prix des marchandises se stabilisent.
Plusieurs facteurs nationaux ont influencé la performance économique en Afrique en 2015. Du côté de la demande, la consommation privée et l’investissement dans la construction et dans les infrastructures publiques étaient les principaux moteurs de la croissance économique. Cependant, la baisse de la demande globale a ralenti de nombreuses exportations africaines, en particulier les exportations minières et pétrolières ; et les questions de conflit et de sécurité heurtent le tourisme dans certains pays. L’offre était également dans une situation mitigée. L’agriculture a aidé à booster la croissance dans des pays avec des conditions climatiques favorables, mais la productivité agricole en Afrique de l’Est et du Sud a subi les conséquences de la sécheresse et des inondations.
A moyen terme, le rapport signale que les améliorations continues dans l’environnement des affaires en Afrique et la plus grande expansion des marchés régionaux peuvent stimuler la croissance future ; le commerce intra régional, en particulier, peut aider les producteurs africains à se diversifier en produits de plus grandes valeurs. L’accord de libre-échange tripartite proposé pourrait être particulièrement important dans l’augmentation de la taille du marché, en rétrécissant les écarts de revenus dans les pays africains et en aidant la région à mieux s’intégrer financièrement. Le rapport souligne toutefois que le succès de cet accord de libre-échange ou de d’autres accords dépend de la volonté du gouvernement de renforcer les réformes structurelles et règlementaires et de se focaliser sur la stabilité macroéconomique.
Un domaine qui nécessite une attention particulière de la part du gouvernement, c’est la croissance urbaine rapide en Afrique. Selon le rapport, la part de résidents urbains en Afrique a augmenté de 14 pour cent en 1950 à 40 pour cent de nos jours. Cette croissance ne devrait aller que dans le sens de l’augmentation, avec des résidents urbains atteignant les 56 pour cent de la population totale en Afrique d’ici 2050. Cette urbanisation pourrait jouer un rôle important dans la transformation structurelle et l’industrialisation, mais seulement si les schémas de croissance deviennent plus durables d’un point de vue économique, social et environnemental, selon le rapport.
Les défis de l’urbanisation sont nombreux. Plutôt que d’augmenter la fabrication et les activités industrielles, de nombreux pays ont constaté un changement dans leur main d’œuvre, des ouvriers agricoles aux ouvriers peu qualifiés, des activités de service informel dans les zones urbaines. De plus, l’accès aux biens publics tels que les soins de santé, le logement de qualité et l’éduction, reste hautement inégal dans les zones urbaines, ce qui entraîne une exclusion des groupes minoritaires (femmes et pauvres) et met la pression sur la cohésion sociale des pays. Enfin, l’urbanisation rapide sans planification adéquate et sans infrastructure a généré des risques environnementaux supplémentaires tels que l’assainissement inadapté, une augmentation de la pollution de l’air et de l’eau, et une augmentation de la pression sur les rares ressources naturelles.
Néanmoins, dans les bonnes conditions, l’urbanisation peut être un moteur de développement économique futur et de sécurité alimentaire dans les zones à la fois urbaines et rurales. A mesure que les villes grandissent, leurs populations vont nécessiter plus de produits alimentaires, fournissant ainsi une opportunité aux agriculteurs ; les marchés urbains comptent actuellement pour 50 pour cent de la consommation alimentaire totale (y compris la production nationale) en Afrique sub-saharienne, selon le rapport. De plus, grâce aux revenus généralement plus élevés dans les zones urbaines, les ménages urbains ont tendance à dépenser plus d’argent en termes absolus sur l’alimentation que les ménages ruraux, même si cela représente une part plus faible dans les dépenses totales des ménages urbains
Les types d’aliments que les consommateurs urbains achètent peuvent aussi aider à améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs ruraux. Le rapport cite que les consommateurs urbains les plus riches changent leurs préférences alimentaires, passant des céréales de bases aux produits de plus grande valeurs tels que les fruits, la viande et les produits laitiers et les aliments transformés. Selon cette étude, vendre de la viande et des produits laitiers aux zones urbaines peut augmenter les revenus des agriculteurs de cinq à dix fois par hectare, en comparaison avec la vente de céréales de base. Bien entendu, étant donné la structure de ces chaînes de valeur, tous les agriculteurs ne seront pas en mesure de participer. Des liaisons plus solides entre les zones rurales et les zones urbaines – à travers une amélioration des infrastructures de transport, de la communication et l’intégration du marché – fournissent également aux agriculteurs un accès aux intrants tels que les engrais, les variétés de cultures améliorées et des espèces d’élevage plus résistantes, les machines agricoles et les techniques d’irrigation. Cela pourrait aider les agriculteurs à augmenter leur productivité et à répondre aux besoins des consommateurs urbains.
Les activités post-récolte telles que la transformation, la distribution et la vente au détail ont un potentiel significatif pour augmenter l’efficacité des chaînes de valeur si elles sont adéquatement soutenues et exploitées, selon le rapport ; et une grande partie de ces activités est concentrée dans des zones plus urbaines. Assurer la connexion entre les zones urbaines et rurales par des systèmes de transport efficaces ainsi que l’approvisionnement en électricité des zones urbaines (pour prendre en charge la chaîne de froid et les installations de stockage) peuvent réduire de manière significative la perte des aliments après la récolte ; le rapport stipule que la quantité totale d’aliments détériorés après la récolte en ASS, pourrait, si elle est récupérée, nourrir environ 300 millions de personnes par an. Ceci signifie que les villes, avec leurs importantes activités post-récolte, ont un important rôle à jouer dans l’amélioration de la sécurité alimentaire à travers la région.
Les politiques permettant d’assurer une urbanisation plus inclusive, plus durable, dépendront en grande partie des conditions sociales et économiques propres à chaque pays, et exigeront des pays qu’ils aient une stratégie d’urbanisation explicite intégrée dans un plan de développement à plus long terme. Toutefois, selon le rapport, seuls 16 pays africains sur 51 ont actuellement adopté des stratégies d’urbanisation nationale – moins d’un tiers. Sur les 35 pays restants qui n’ont pas de stratégie explicite, seuls 7 ont considéré activement la formulation d’un tel plan.
Le rapport présente quatre priorités génériques qui devraient guider la plupart des plans d’urbanisation : l’amélioration de la collecte et de l’analyse des données pour comprendre les changements démographiques, les infrastructures, les conditions sociales et les moteurs de l’économie, dans chaque pays ; la clarification des droits fonciers et leur renforcement pour une utilisation des terres plus efficace, plus durable et plus équitable ; l’amélioration de la livraison des infrastructures et des services publics ; et l’établissement de villes intermédiaires pour aider à combler l’écart entre les zones rurales et les grands centres urbains.