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Se concentrer sur l’agriculture, en particulier celle des petits exploitants agricole, peut aider les pays de l’ASS à atteindre des objectifs plus larges sur les plans de l’économie et du développement, y compris la réduction de la pauvreté, selon une nouvelle publication à libre accès préparée par l’Université des Nations Unies (UNU-WIDER) et publiée par Oxford Press.
Le livre présente des études de cas réalisées à partir de 16 pays d’ASS comptant pour approximativement trois-quarts de la population de la région. Les auteurs ont regroupé les pays en fonction de leurs expériences. Le premier groupe (les pays qui ont connu une croissance économique relativement rapide et une réduction correspondante de la pauvreté) inclue l’Ethiopie, le Ghana, le Malawi, le Rwanda et l’Ouganda. Le second groupe (les pays qui ont connu une croissance économique relativement rapide mais une réduction limitée de la pauvreté) est composé du Burkina Faso, du Mozambique, du Nigéria, de la Tanzanie et de la Zambie. Les auteurs ont montré que le niveau de réussite de la croissance agricole d’un pays joue un rôle clé dans l’explication de ses améliorations (ou du manque d’améliorations) à la fois dans la croissance économique et dans les avantages sociaux.
Le cas de l’Ethiopie, qui est représenté au Chapitre 3, fournit un exemple solide du premier groupe de pays. Le chapitre se concentre particulièrement sur l’accent mis par le gouvernement éthiopien sur la croissance agricole et les infrastructures rurales à travers les investissements, notamment. Le chapitre analyse la pauvreté dans le pays entre 2000 et 2011, en utilisant des enquêtes sur la consommation et les dépenses des ménages à l’échelle nationale. Pendant cette période, l’Ethiopie a été affectée par des chocs climatiques persistants, des taux d’inflation élevés et une crise post-électorale en 2005 ; cependant, la période est aussi marquée par des changements fondamentaux dans la structure économique du pays, résultant de la stratégie gouvernementale de développement reposant sur l’agriculture (ADLI).
Une partie de cette stratégie incluait des investissements dans les infrastructures rurales telles que les routes et les technologies de communication. Le chapitre montre que la longueur des routes dans le pays a plus que doublé entre 1993 et 2008, passant de 19.000 km à 44.300 km. Ceci a permis de mieux relier les marchés à travers le pays, réduisant les temps de déplacement (et ainsi les coûts du transport) entre les marchés ruraux de vente en gros et le principal marché au gros d’Addis Abeba d’environ 20 pour cent. Une croissance similaire dans l’utilisation des téléphones mobiles a aussi permis des liaisons plus solides entre les agriculteurs et les marchés. Les abonnements aux services de téléphonie mobile ont explosé entre 2003 et 2011, passant de 50.000 à plus de 10 millions. Cette meilleure capacité de communication a apporté aux agriculteurs un meilleur accès aux informations du marché et a réduit les marges de commercialisation, selon les auteurs.
Bien que l’utilisation globale des intrants agricoles modernes en Ethiopie reste faible en comparaison avec la moyenne mondiale, les auteurs ont constaté que l’utilisation d’intrants modernes (à travers la distribution à partir des coopératives agricoles dirigées par le gouvernement) a augmenté pendant la période d’étude. Des variétés améliorées de graines de maïs et de teff ont été rapidement adoptées vers 2011 et l’utilisation des engrais chimiques a augmenté (environ 650.000 tonnes en 2012). La quantité de terres fertilisées consacrées aux céréales a aussi doublé pendant la période d’étude.
En ce qui concerne la pauvreté pendant cette même décennie (2000-2011), les auteurs ont conclu que le taux de pauvreté national a chuté de manière significative, passant de 51,9 pour cent en 2000 à 44,5 pour cent en 2005 et finalement à 30 pour cent en 2011.
Les taux de pauvreté monétaire, définis ici comme le pourcentage de population dont la consommation est en-dessous du seuil de pauvreté correspondant aux « besoins de base », a diminué de moitié, passant de 50 pour cent en 2000 à 25 pour cent en 2011. Les auteurs ont révélé que les taux de mortalité infantile, les taux de retard de croissance chez les enfants, les inscriptions à l’école primaire et l’accès à l’électricité et à des installations sécurisées en eau et en assainissement, ont également baissé pendant la période d’étude.
Les auteurs soulignent que l’Ethiopie reste un pays pauvre qui a encore du travail à faire ; en particulier, la pauvreté reste plus élevée dans les zones rurales (53,7 pour cent) en comparaison avec les zones urbaines (40,8 pour cent). Malgré cette pauvreté persistante, cependant, l’accent mis par le gouvernement éthiopien sur la croissance agricole, en particulier pour les petits agriculteurs ruraux, a entraîné des gains réels et rapides dans le développement global au cours des dernières années.
Au chapitre 10, les auteurs présentent un scénario contrasté, s’intéressant à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté au Burkina Faso. Ils ont constaté que bien que le Burkina Faso ait connu une croissance économique plutôt significative au cours des deux dernières décennies, les taux de pauvreté sont restés généralement les mêmes. En effet, l’élasticité de la croissance de la pauvreté au Burkina Faso (le taux auquel la pauvreté baisse pour chaque pourcentage de croissance du PIB par habitant) est de seulement -0,54.
Le chapitre constate aussi que les principales sources de la croissance économique récente du pays – migration en masse à partir du secteur agricole rural vers des secteurs urbains informels avec des petits salaires et grande expansion des terres cultivées menant à des améliorations dans la production des aliments et du coton – sont, pour la plupart, non viables. Les terres deviennent de plus en plus rares et une grande partie des terres devient infertile à cause de l’utilisation excessive d’engrais dans la production de coton. A mesure que la population du pays continue à augmenter, un nombre supplémentaire de 0,3 à 0,5 million de personnes viendra grossir la main d’œuvre chaque année. Ceci étendra les secteurs urbains informels au-delà de ce qu’ils peuvent employer. Néanmoins on note pour l’instant peu de progrès réalisés dans l’augmentation de l’industrialisation ou dans la création d’emplois dans des secteurs plus formels pour absorber la main-d’œuvre croissante.
Enfin, la productivité agricole reste basse au Burkina Faso, malgré l’expansion des terres cultivées. A la différence de l’Ethiopie, le gouvernement n’a pas mis l’accent sur la modernisation et l’adoption de nouvelles technologies, telles que l’irrigation, la machinerie et les semences améliorées. Bien que l’utilisation d’engrais soit élevée dans le secteur du coton, cette utilisation a été largement impropre et non viable, comme cela a été mentionné précédemment ; l’utilisation d’engrais pour d’autres cultures reste faible.
La productivité agricole stagnante du Burkina Faso, les limites à l’expansion supplémentaire des terres et la croissance massive de la population ont entraîné une augmentation constante des prix des aliments ; les prix des aliments en hausse signifient moins de pouvoir d’achat pour la majorité de la population, ce qui empêche la réduction de la pauvreté et peut augmenter les défis de développement non monétaires tels que la malnutrition infantile et les taux de mortalité. Les auteurs ont constaté qu’environ 6,5 millions de personnes au Burkina Faso vivent en-dessous du seuil de pauvreté aujourd’hui, environ 1 million de plus qu’en 1994.
Ces deux exemples soutiennent le message du livre selon lequel la croissance basée sur l’agriculture est essentielle pour une croissance économique globale et un développement en ASS. Cependant, les auteurs avertissent qu’une telle croissance agricole doit être durable et adéquatement conçue, car les politiques mal conçues et mal ciblées peuvent gaspiller des ressources substantielles et diminuer les chances de réduction de la pauvreté. De plus, les politiques doivent prendre en compte les conditions sociétales, économiques, politiques et agro-écologiques propres à chaque pays, car une intervention qui fonctionne bien dans un pays pourrait ne pas fonctionner dans un autre.