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Engrais organiques et inorganiques au Nigéria

Les engrais, et en particulier les engrais inorganiques (produits chimiques), ont la capacité d’augmenter substantiellement la productivité agricole des agriculteurs. Cependant, au Nigéria, l’utilisation d’engrais reste faible ; selon un nouveau document de travail AGRODEP, l’utilisation d’engrais inorganiques au Nigéria est de 11,3 kg/ha et l’utilisation d’engrais organique n’est que de 0,2kg/ha. Ce qui met le Nigéria bien en dessous de la cible des 50kg/ha établie dans la Déclaration d’Abuja. Pour faire face à cette faible utilisation d’engrais, le Gouvernement Fédéral Nigérian a établi une subvention pour aider les agriculteurs à accéder aux engrais inorganiques.

Cependant, comme le souligne le document, utiliser uniquement des engrais inorganiques peut causer sur le long terme une dégradation – voire une perte de la fertilité – des sols. En revanche, l’utilisation d’une combinaison d’engrais organiques et inorganiques peut améliorer la fertilité du sol sur le long terme. D’où l’inquiétude sur la question du subventionnement des engrais inorganiques : cette subvention risque-t-elle d’évincer l’utilisation des engrais organiques, causant ainsi des dommages environnementaux à long terme et réduisant les rendements agricoles dans le futur ?

Pour répondre à cette question, l’étude se penche sur 5.000 ménages agricoles couverts par les données de l’Enquête Générale sur les Ménages du Nigéria (GHS) de 2010-2011. La conception de l’échantillon a été réalisée en fonction de l’échantillonnage aléatoire en deux étapes ; et l’analyse a tenu compte des parcelles agricoles (le nombre et la taille des parcelles), des caractéristiques socio-économiques des agriculteurs, de l’accès aux engrais, des types d’engrais utilisés, du montant de la subvention des engrais, du coût du transport et des prix des engrais.

Les auteurs ont montré que parmi les ménages étudiés, seuls 44 pour cent utilisaient tous les types d’engrais (organiques ou inorganiques) et seuls 38 pour cent avaient accès à la subvention des engrais. Le montant moyen de la subvention était de 896 nairas nigérians, alors que le coût moyen des engrais était de 11.969 nairas nigérians. Ce coût est plus élevé que la plupart des dépenses non-alimentaires des ménages (N 11,211), ce qui signifie que l’agriculteur nigérian moyen n’a pas forcément les moyens de se payer des engrais. Cependant, même avec la subvention, seuls 38 pour cent des agriculteurs de l’étude ont eu accès aux engrais inorganiques.

En termes d’impact de la subvention sur l’utilisation des engrais organiques, l’étude a montré que tous les agriculteurs qui avaient accès à la subvention utilisaient des engrais inorganiques et moins de 0,5 pour cent de ces agriculteurs utilisaient des engrais organiques. D’autre part, 79 pour cent des agriculteurs qui n’avaient pas accès à la subvention utilisaient des engrais organiques, alors que seuls 9 pour cent utilisaient des engrais inorganiques. Selon les auteurs, les différences de probabilité d’utilisation d’engrais inorganiques et organiques par les agriculteurs deviennent significatives à 5 pour cent. De plus, l’intensité de l’utilisation des engrais organiques est nettement plus élevée pour les agriculteurs qui n’avaient pas accès à la subvention.

Ensemble, ces conclusions suggèrent que les agriculteurs qui n’ont pas accès à la subvention des engrais utilisent des engrais organiques comme une alternative aux engrais inorganiques subventionnés. Si le montant de la subvention des engrais inorganiques était doublé, l’intensité de l’utilisation des engrais organiques chuterait de 0,31kg/ha et l’intensité de l’utilisation des engrais inorganiques augmenterait de 0,09kg/ha. Ainsi, la subvention des engrais semble effectivement avoir un effet d’éviction sur l’utilisation des engrais organiques. De plus, les auteurs ont montré que les agriculteurs les plus pauvres utilisaient 24 pour cent d’engrais organiques par rapport à 20 pour cent d’engrais inorganiques ; et que seuls 22 pour cent d’entre eux étaient susceptibles d’accéder à la subvention des engrais inorganiques.

Le document examine également l’impact des coûts de transport sur l’utilisation des engrais (organiques ou inorganiques) et il arrive à la conclusion que ces coûts représentent une contrainte pour l’utilisation globale des engrais dans les zones rurales. Par exemple, doubler le coût du transport des   engrais réduirait l’intensité de l’utilisation des engrais inorganiques de 15,86kg/ha, annulant ainsi les gains dans l’intensité de l’utilisation des engrais inorganiques découlant de la subvention.

Les conclusions du document ont plusieurs implications importantes sur les politiques du Nigéria. Tout d’abord, étant donné que la subvention semble bien avoir un effet d’éviction sur l’utilisation des engrais organiques, le schéma des subventions devrait être étendu de manière à inclure à la fois les engrais organiques et les engrais inorganiques afin d’empêcher l’utilisation excessive des variétés inorganiques. Deuxièmement, le coût du transport des engrais doit être pris en compte, étant donné que les contraintes de coûts existantes limitent l’impact de la subvention en termes d’application des engrais (organiques ou inorganiques). Enfin, les agriculteurs devraient être formés sur la gestion de la fertilité des sols, y compris l’importance de combiner les engrais organiques et inorganiques et sur la possibilité de convertir les déchets animaux en engrais organiques. Ce type de sensibilisation aidera à protéger la fertilité des sols dans le pays.

Source: agrodep.org