La mécanisation agricole peut contribuer à réduire les coûts de main-d'œuvre des agriculteurs et à augmenter la productivité agricole ; cependant, dans de nombreuses régions d'Afrique au sud du Sahara, la plupart des activités agricoles reposent encore sur la force humaine et animale (IFPRI Insights, septembre 2014). L'augmentation de la mécanisation agricole en Afrique pourrait être un moteur essentiel du développement futur de la région, mais seulement si elle est réalisée correctement et durablement.
La récente croissance réussie de la mécanisation au Bangladesh pourrait fournir des leçons importantes pour les pays africains. Une série de notes d'orientation récentes (une pour le Ghana et le Nigeria et une pour le Kenya et l'Éthiopie) décrit comment l'expérience du Bangladesh pourrait être adaptée au contexte africain. Entre le milieu des années 1990 et 2015, la superficie cultivée au Bangladesh par des tracteurs et des motoculteurs est passée de 30 % à 95 % ; cette croissance s'est produite non seulement dans les grandes exploitations commerciales, mais aussi dans les petites exploitations de moins de 0,5 hectare.
Ces notes sont basées sur un voyage d'étude au Bangladesh mené en novembre 2015 par l'IFPRI et le CIMMYT pour des responsables gouvernementaux de neuf pays africains, dont le Ghana, le Nigeria, le Kenya et l'Éthiopie. Les responsables africains ont visité deux grands importateurs de tracteurs, le plus grand fabricant de machines agricoles du pays, des concessionnaires de tracteurs et de pièces détachées, des agriculteurs et des institutions publiques engagées dans la recherche agricole.
Les auteurs de la note de politique générale ont noté que l'une des observations les plus importantes de ces visites était le rôle majeur joué par le secteur privé dans la mécanisation rapide du Bangladesh. L'environnement relativement favorable du pays a permis aux fabricants et aux importateurs du secteur privé de prospérer et d'établir un vaste réseau d'installations de vente et de services agricoles dans tout le pays. Ce réseau a été essentiel pour accroître l'utilisation de la mécanisation agricole dans les principales zones agricoles du pays, et contraste avec la situation en Éthiopie et au Kenya, où les importateurs de machines sont principalement situés dans les villes et ont peu de contacts directs avec les agriculteurs des zones rurales. Le fait de rendre les fournisseurs plus accessibles géographiquement permet de réduire le coût de la mécanisation, de sensibiliser les agriculteurs aux avantages de la mécanisation et d'en accroître l'utilisation.
Les entreprises privées du Bangladesh accordent aussi souvent des crédits aux agriculteurs, ce qui permet de réduire le risque associé à l'investissement dans les nouvelles technologies. En outre, de nombreux fabricants et importateurs de biens mécaniques agricoles participent également à d'autres secteurs de l'économie, tels que les produits pharmaceutiques ; ce portefeuille d'activités diversifié permet d'atténuer le risque qui pourrait résulter d'une dépendance à l'égard du seul secteur agricole.
Outre la forte participation du secteur privé, le gouvernement du Bangladesh joue également un rôle clé en rendant la mécanisation agricole attrayante et accessible aux agriculteurs comme aux fournisseurs. Diverses agences gouvernementales (telles que la Société de développement agricole du Bangladesh (BADC), le Conseil de développement rural du Bangladesh (BRDB), le Département de vulgarisation agricole (DAE) du ministère de l'Agriculture, le Conseil de recherche agricole du Bangladesh (BARC), l'Institut de recherche agricole du Bangladesh (BARI) et l'Institut de recherche sur le riz du Bangladesh (BRRI)) ont appris à collaborer avec succès aux objectifs de mécanisation du pays. Bien que des agences similaires existent dans de nombreux pays africains, comme le Nigeria, selon les auteurs, elles n'ont souvent pas les rôles clairement délimités et l'environnement de travail coopératif qui caractérisent les agences du Bangladesh. Au Ghana, en revanche, des institutions similaires existent mais le pays n'a pas encore établi d'objectifs et de stratégies de mécanisation clairs.
Enfin, le Bangladesh dispose d'un solide réseau de services de recherche et de vulgarisation, ce qui permet à la fois de développer des équipements mécaniques parfaitement adaptés aux besoins du pays et de diffuser largement les technologies de mécanisation agricole en particulier, ainsi que des informations agricoles plus générales.
Il est évident qu'il existe des différences entre le Bangladesh et les quatre pays africains présentés dans la série de notes de projet. Cependant, ces pays pourraient tirer plusieurs leçons importantes de l'expérience du Bangladesh. Par exemple, les agriculteurs bangladais utilisent l'irrigation intensive, ce qui permet d'augmenter l'intensité des cultures et la production agricole. Cette production accrue a entraîné une demande de nouvelles technologies pour la suivre, comme les motoculteurs et les tracteurs. Au Ghana, seulement 11 % des terres agricoles sont irriguées ; le Nigeria dépend aussi principalement de l'agriculture pluviale. L'augmentation du recours à l'irrigation dans ces pays pourrait à la fois améliorer la production agricole et accroître la demande des agriculteurs en équipements mécaniques.
L'implication du secteur privé dans le secteur de la mécanisation agricole doit être encouragée dans les quatre pays africains. En Éthiopie, par exemple, les petits exploitants agricoles paient souvent pour louer des bœufs pour le labourage ; ces agriculteurs pourraient bénéficier du système du Bangladesh dans lequel les fournisseurs de machines louent leurs machines aux agriculteurs locaux. Pour que les fournisseurs et les fabricants privés puissent prospérer et être disposés à s'engager dans le secteur de la mécanisation agricole, il faut toutefois mettre en place les incitations appropriées. Cela nécessitera un travail de la part des gouvernements pour garantir un environnement favorable sûr et fonctionnel.
Enfin, les programmes de mécanisation agricole doivent tenir compte des conditions locales. Par exemple, dans certaines régions du Ghana et du Nigeria, les sols sont trop lourds pour que les tracteurs à deux roues puissent être utilisés avec succès pour le labourage ; des tracteurs plus lourds à quatre roues pourraient être nécessaires pour le labourage, tandis que les petits tracteurs à deux roues pourraient être plus utiles pour la récolte et le transport. Il est donc nécessaire de mener des recherches afin de s'assurer que les agriculteurs ont accès à la fois aux machines et aux informations appropriées à leurs conditions de culture particulières.
L'expérience du Bangladesh permet d'espérer que la mécanisation agricole peut être étendue avec succès dans les pays à faible revenu, si l'environnement favorable et les stratégies d'investissement sont appropriés. Toutefois, comme il est apparu clairement au cours du voyage d'étude, l'expérience du Bangladesh devrait servir de point de départ aux autres pays pour qu'ils l'adaptent à leurs besoins spécifiques.