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Des défis subsistent pour l’intégration commerciale en Afrique de l’Ouest

Depuis sa création en 1975, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est une communauté économique régionale (CER) à succès, permettant la libre circulation des personnes et renforçant l’intégration commerciale entre ses 15 États membres. Cependant, en ce qui concerne la circulation des produits agricoles, la CEDEAO continue d’être entravée par les conflits régionaux, l’instabilité politique, la corruption, la faiblesse des infrastructures et des capacités logistiques, et l’absence d’une monnaie régionale commune. Ces défis permanents constituent une menace pour la sécurité alimentaire et la véritable libéralisation du commerce dans la région, selon un chapitre du rapport 2024 de l’Africa Agriculture Trade Monitor .

Les recherches montrent que le secteur agricole de la CEDEAO est en moyenne moins protégé que celui des autres CER d'Afrique. Les conclusions du chapitre suggèrent également que les secteurs les plus protégés par les mesures non tarifaires (MNT) au sein de la CEDEAO ne sont souvent pas ceux qui sont les plus importants sur le plan stratégique.

La politique constitue un autre défi. Début 2024, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé leur intention de quitter la CEDEAO dans un contexte de tensions politiques croissantes. On ne connaît pas encore l’impact total de ce changement sur les douanes et les échanges commerciaux entre ces pays et le reste de la CEDEAO, et cette incertitude va probablement en elle-même réduire les échanges dans la région, les commerçants et les investisseurs tentant d’éviter les risques. Toute mesure tarifaire ou non tarifaire (MNT) adoptée par ces pays sur les produits en provenance du reste de la CEDEAO, ou vice versa, ne fera qu’entraver davantage le libre-échange et réduire la sécurité alimentaire.

Le départ du Burkina Faso, du Mali et du Niger soulève également la question de la durabilité du CER face à l’instabilité politique et aux désaccords, affirment les auteurs.

Outre les défis liés à l’instabilité politique, le problème de la corruption reste omniprésent dans la sphère politique et commerciale de la région. Des recherches ont montré que la corruption et la contrebande sont courantes et ont des répercussions négatives considérables sur les flux commerciaux et la sécurité alimentaire.  

L’absence d’une monnaie régionale unique constitue un autre obstacle à la véritable libéralisation des échanges et à la croissance. Alors que huit pays de la CEDEAO utilisent actuellement le franc CFA comme monnaie, les sept autres continuent d’utiliser leur propre monnaie. L’adoption d’une monnaie commune unique, et donc la suppression de la volatilité des taux de change résultant de l’utilisation de plusieurs devises, pourraient renforcer l’intégration commerciale.

Les échanges commerciaux informels représentent également une part importante du commerce intrarégional global entre les pays de la CEDEAO, selon le chapitre. Ces échanges informels sont par nature mal documentés et le manque de données formelles sur la qualité des échanges dans l’ensemble de la région rend difficile l’estimation de la balance commerciale de chaque pays et l’élaboration de politiques régionales appropriées. La sécurité alimentaire est également affectée négativement par ce manque de données, car les décideurs politiques ne sont pas en mesure de produire une image claire de la balance des produits agricoles et alimentaires dans chaque pays. Bien que certains efforts aient été faits récemment pour améliorer les statistiques sur le commerce agricole dans la région, il reste encore beaucoup à faire.

Le chapitre souligne que tous les États membres de la CEDEAO ont signé la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), dont la mise en œuvre contribuerait à accélérer l’intégration commerciale dans la région. Cependant, comme l’ont montré les événements récents, un engagement politique soutenu est nécessaire pour faire de la CEDEAO un succès à long terme et favoriser la transformation agricole et économique.

Sara Gustafson est une consultante en communication indépendante.