Le Nigéria continue de faire face à des taux élevés de sous-alimentation infantile chronique, de déficience en micronutriments, et de surpoids/obésité : également appelé triple problème de malnutrition. Quel en est le responsable ? Une alimentation de mauvaise qualité.
D’après un rapport récent du projet de politique agricole du Laboratoire d’innovation « Feed the Future », 36,8 pourcent des enfants nigériens de moins de cinq ans souffraient de famine en 2019. Les insuffisances en micronutriments, en particulier l’anémie causée par les déficiences en fer, restent courantes parmi les enfants et les femmes ; les taux d’anémie ont fortement augmenté dans les zones urbaines entre 2010 et 2018. En parallèle, le surpoids et l’obésité ont également augmenté chez les adultes nigériens à la fois dans les zones urbaines et rurales, augmentant ainsi le risque de maladies telles que le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires.
Ces tristes figures s’expliquent par une mauvaise alimentation qui, d’après le rapport, représente un « problème universel » au Nigéria. Bien que la disponibilité des calories ait augmenté avec la croissance économique et avec l’augmentation de la production de cultures de base depuis les années 1980, l’alimentation moyenne au Nigéria manque de diversité. Les ménages urbains et ruraux de tous les niveaux de revenus reçoivent trop de calories provenant d’aliments de base, tels que des céréales, des racines riches en féculents, des tubercules, et trop peu de fruits et de légumes, de viande, de poisson, de produits laitiers, et de légumineuses. Une alimentation saine recommande qu’environ un-tiers des calories ingérées quotidiennement par une personne devrait provenir d’aliments base. Au Nigéria, 52 à 67 pourcent des calories ingérées par les ménages urbains proviennent d’aliments de base; ces chiffres sont d’autant plus élevés pour les ménages ruraux, entre 60 et 76 pourcent.
Le rapport explique également que dans les régions où il existe une plus grande diversité alimentaire, le surpoids et l’obésité seraient causés par l’augmentation de la consommation de gras et de sucres, notamment ceux présents dans les aliments transformés. Cette tendance est particulièrement importante dans les zones urbaines. Les ménages urbains consomment en moyenne trois fois la quantité de gras et de sucres recommandée.
D’après ce rapport, la saisonnalité agricole ne semble pas jouer un rôle important dans la diversité alimentaire. Seulement un tiers de l’alimentation des ménages agricoles provient de leur propre production, ce qui explique que la disponibilité des produits alimentaires ruraux ne dépend pas tellement des cycles de récole mais plutôt des produits achetés. Les tendances dans les zones urbaines montrent des résultats similaires, sans variations saisonnières distinctes dans les groupes de consommation alimentaire.
Ces résultats ont d’importantes implications politiques. Concentrer les efforts pour augmenter l’accès et la consommation d’aliments de bonne qualité et divers serait plus effectif que de simplement résoudre les conséquences de la malnutrition (telles que la famine infantile). Bien que les interventions alimentaires telles que la fortification alimentaire soient importantes, elles ne suffisent pas pour améliorer la qualité de l’alimentation à long terme. Pour cela, les décideurs politiques doivent résoudre les causes de l’alimentation de mauvaise qualité, dont la pauvreté et l’insécurité alimentaire.
Les programmes agricoles sensibilisant aux problématiques liées à la nutrition semblent efficaces pour améliorer la qualité et la diversité alimentaire des ménages. De telles mesures incluent la promotion de potagers, de l’aquaculture et de l’élevage de bétail à petite échelle. Cependant, des doutes persistent quant à l’évolutivité et au succès à long terme de ce type d’interventions.
Le rapport suggère que les politiques commerciales et agricoles pourraient apporter de meilleurs promesses. L’agriculture est la principale source de revenu des ménages ruraux, notamment des ménages pauvres, et représentait environ 36 pourcent du taux d’emploi du pays en 2019. De plus, le Nigéria importe des quantités significatives de blé, de riz, de poisson et de lait mais a interdit les importations de bœuf, de porc, de poulet et d’œufs. Le rapport met en avant le fait que des politiques commerciales et agricoles, telles que ces prohibitions à l’importation, ainsi que des avantages et des subventions à la production ou des taxes à la production, peuvent avoir un impact important sur les revenus, les prix des produits alimentaires et la disponibilité de ces derniers. Les décideurs politiques et les chercheurs devront travailler ensemble pour déterminer l’impact de telles mesures sur la qualité et la diversité alimentaire.
Enfin, un cadre sur les systèmes alimentaires est nécessaire pour résoudre les problèmes alimentaires du Nigéria, du point de vue politique et de la recherche. Ce cadre ne considèrerait pas uniquement la production agricole, mais également le commerce de produits alimentaires et leur transport, la transformation et la distribution de ces produits, et les services alimentaires. Avec la croissance économique du Nigéria, le système alimentaire en dehors des zones agricoles, dont la transformation et la vente, représenterait une partie de plus en plus importante du PIB du pays et devrait modeler l’accès, la disponibilité et la diversité des produits alimentaires. Prendre de la perspective pour s’assurer que les systèmes alimentaires dans leur ensemble promeuvent une alimentation saine et diverse est un facteur clef pour réduire le triple problème de malnutrition au Nigéria.