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Le monde caché des échanges informels africains : résumé du séminaire

Des millions de personnes en Afrique dépendent du commerce informel. Dans certains pays, la part des exportations informelles dépasse presque celle des exportations formelles. Cependant, les données autour du commerce informel restent rares. Ce problème rend la compréhension des échanges informels – dont les défis quotidiens et les difficultés liées à une existence précaire auxquels les agriculteurs, notamment les femmes, font face – ardue pour les chercheurs et pour les décideurs politiques.

 

« A certaines frontières entre pays africains, les contrôles douaniers concernent la plupart, voire l’ensemble, des produits alimentaires et agricoles échangés aux frontières. Au niveau d’autres frontières, les statistiques de commerce officielles ne permettent pas d’avoir une vision proche de la réalité en terme de quantité de biens échangés à la frontières », raconte Julie Kurtz, analyste à l’IFPRI, au début du séminaire virtuel organisé par l’IFPRI le 3 décembre, intitulé : « Echanges informels en Afrique : le monde caché des échanges alimentaires ».

 

Les échanges informels transfrontaliers peuvent prendre plusieurs formes, de commerçants ne travaillant qu’en dehors de l’économie formelle à des entreprises formelles évitant en partie la règlementation. L’une des principales causes du commerce informel est la pauvreté, d’après Fousseini Traoré, chercheur à l’IFPRI. Le manque d’emploi formel incite les gens à travailler dans le secteur informel, et certains d’entre eux deviennent des commerçants transfrontaliers informels. Le commerce informel est une source vitale de revenus : d’après un rapport de la Banque Mondiale, un commerçant informel transfrontalier a en moyenne huit personnes dépendantes de lui en Afrique de l’Ouest. D’autres causes du commerce informel inclues des droits de douane élevés, des taxes à l’exportation, des quotas, des règlementations complexes, et des procédures douanières inefficaces.

 

Les méthodes basées sur des enquêtes directes représentent les meilleures méthodes pour mesurer le commerce informel, explique M. Traoré. Brahima Cissé, un expert au Comité inter-Etat de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), a décrit l’une de ces méthodes : une application Android que les collecteurs de données à travers les chaînes de valeur utilisent pour reporter jour après jour les échanges transfrontaliers, incluant les valeurs et les volumes des biens traversant la frontière. Cette application est, pour l’instant, utilisée pour surveiller les échanges de 19 axes et de 16 pays en Afrique de l’Ouest, et en 2019, 15 membre de la CEDEAO l’ont adoptée. « Nous sommes persuadés que nous avons une méthode unique de surveillance quotidienne des axes d’échanges en Afrique de l’Ouest », explique M. Cissé. « Et cette méthodologie nous montre des tendances très intéressantes ».

 

La plupart des commerçants transfrontaliers (jusqu’à 70%) sont des femmes, et font face à de fortes inégalités, reconnaît Nadia Hasham, du Centre de politique commerciale africaine de la commission économique pour l’Afrique de l’ONU. « Aux frontières, certaines choses que nous avons pu voir représentent seulement partie des règlementations commerciales, du harassement sexuel, de la corruption et de l’extorsion, du manque d’accès à la finance, et du manque d’infrastructure », raconte Mme Hasham.

Ces inégalités de genre donnent lieu à des inefficiences et à un résultat agricole moindre. Mme Hasham a proposé un certain nombre d’options permettant de réduire les barrières de genre dans les échanges commerciaux informels. Des solutions simples, telle que d’organiser des formations sensibilisant les officiers de douane aux problématiques liées au genre, et de construire des toilettes différentes en fonction du genre aux frontières, pourraient aider. Mme Hasham a mis l’accent sur l’importance des données sur les échanges informels, notamment des données désagrégées en fonction du genre. « Cela est fondamental pour pouvoir prendre des décisions factuelles ».

 

Patterson Brown, Conseiller senior au commerce du Bureau pour la résilience et la sécurité alimentaire de l’USAID, et Antoine Bouët, chercheur senior à l’IFPRI, ont exprimé le même sentiment, mettant en avant la nécessité de coordination pour obtenir des données à jour. « Il nous reste beaucoup de choses à apprendre…sur le commerce informel sur le continent africain », explique M. Bouët. « Pas seulement pour l’Afrique de l’Ouest, mais pour toutes les régions d’Afrique ».

 

Timothy Karoff et un ancien interne du département communication de l’IFPRI.

Source: IFPRI.org