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Cet article a été rédigé par Sara Gustafson.
Afin de réduire la transmission de la COVID-19, les pays du monde entier ont mis en place des mesures de restrictions de déplacement des personnes et de contact physique. Ces restrictions incluaient des mesures générales de distanciation sociale et des mesures plus draconiennes telles des fermetures de frontières et le confinement de certaines entreprises et secteurs économiques où le risque d’infection était élevé. Bien que ces mesures semblent nécessaires d’un point de vue sanitaire, elles ont eu des impacts socioéconomiques significatifs, en particulier dans les régions en développement telle que l’Afrique Subsaharienne où une large portion de la population n’a pas la capacité d’affronter des chocs de revenus brutaux.
Un nouveau document de travail du Programme de Soutien à la Stratégie du Ghana de l’IFPRI (GSSP) utilise un modèle multiplicateur de Matrice de Comptabilité Sociale (MCS) pour estimer les coûts économiques dû à la COVID-19 et aux mesures mises en place en réponse à celle-ci dans les pays de l’Afrique de l’Ouest. Ce modèle permet de mesurer les effets de court-terme directs et indirects de chocs de demande ou d’offre non-anticipés, tels que ceux causés par la pandémie de COVID-19. L’étude analyse un scénario dans lequel les mesures de lutte contre la COVID-19 sont rapidement levées et un scénario dans lequel ces dernières sont supprimées lentement. Dans les deux scénarios, l’article met en évidence les effets négatifs de ces mesures sur le revenu des ménages et sur la valeur ajoutée dans l’industrie agro-alimentaire, à la fois dans les régions urbaines et rurales.
Les premiers cas de COVID-19 au Ghana ont été signalés le 12 mars 2020. Le gouvernement a tout de suite réagi en mettant en place des mesures de distanciation sociale, de restrictions de déplacement, et de fermeture des frontières, suivies par un confinement partiel de deux semaines dans les régions urbaines d’Accra et de Kumasi. Ces dernières mesures ont donné lieu à la cession de toutes les activités, sauf celles des entreprises essentielles, de production, et de fonctionnement des services, et ont interdit les déplacements non-nécessaires vers les autres villes. Le confinement a été brièvement prolongé mais levé le 20 avril ; les mesures de distanciation sociale et de fermeture des frontières restent en vigueur.
Lorsque le confinement a débuté, le ministre des finances du Ghana a estimé que le taux de croissance du PIB du pays diminuerait de 6,8 pourcent à 1,5 pourcent. L’étude du GSSP présente un résultat plus pessimiste, prévoyant un taux de croissance du PIB pour 2020 entre -2,3 à -6,3 pourcent en fonction du scénario de reprise.
Il est important de noter que les mesures de confinement du Ghana ne s’appliquaient pas au secteur agro-alimentaire. Le gouvernement a reconnu l’importance de ce secteur dans l’économie du Ghana et le besoin de protéger le système alimentaire, déjà vulnérable, afin d’éviter d’augmenter l’insécurité alimentaire. Les exploitants agricoles, les fournisseurs d’intrants, les sociétés de transformation alimentaire, et les détaillants en alimentation avaient le droit de continuer leurs activités, et le transport de produits agro-alimentaire était permis à la fois au sein des zones confinées et à travers le reste du pays. De plus, le programme Planter pour la Nourriture et l’Emploi à continuer de fournir des engrais subventionnés et des graines aux producteurs.
Cependant, malgré le fait que le secteur agro-alimentaire ait été exempté de ces mesures strictes, il a subit des effets négatifs de la pandémie. L’étude du GSSP montre que certains produits alimentaires n’étaient plus disponibles localement et que les prix des produits alimentaires avaient augmentés ; des pertes alimentaires causées par des problèmes sur les chaînes logistiques et une réduction des achats de la part des consommateurs a également été signalée dans certaines régions.
Le commerce mondial pourrait diminuer de 32 pourcent en 2020 à cause de la COVID-19. Ce ralentissement porte atteinte aux secteurs agricoles et alimentaires du Ghana, et donc à l’insécurité alimentaire du pays. Le rapport du GSSP suggère que les perturbations des chaînes logistiques alimentaires globales pourraient avoir un effet direct sur la disponibilité des produits alimentaires au Ghana car que le pays dépend de plus en plus des importations de ces produits. Les chaînes logistiques alimentaires domestiques pourraient subir une pression pour se substituer au manque d’offre mondiale.
Certains secteurs agricoles seront probablement plus touchés que d’autres. Le secteur du caco au Ghana, par exemple, est très dépendant des marchés mondiaux et devra faire face à des pertes importantes dues aux perturbations sur les chaînes logistiques et à la réduction de la demande et des échanges. Le secteur des noix de cajou pourrait également être durement touché ; le rapport montre que les cultivateurs de noix de cajou ont vu les prix baisser de 50 pourcent au premier semestre 2020, principalement à cause de l’incapacité des investisseurs étrangers à voyager au Ghana.
Le Ghana importe 75 pourcent de sa consommation en engrais annuelle. Les perturbations sur les chaînes logistiques globales pourraient donc réduire l’accès des producteurs ghanéens à cet intrant important. De plus, les producteurs d’engrais internationaux pourraient hésiter à fournir des engrais à crédit, ce qui pourrait affecter la capacité du gouvernement ghanéen à fournir ces intrants pour le programme subventionné Planter pour la Nourriture et l’Emploi.
Alors que les mesures prises en réponse à la pandémie de COVID-19 par le gouvernement du Ghana visaient à protéger les secteurs agricoles et alimentaires, ces derniers se révèlent être trop fortement liés à d’autres secteurs économiques et aux marchés mondiaux pour les isoler. De manière générale, le rapport du GSSP indique que la combinaison des mesures domestiques du Ghana liées à la COVID-19 et les chocs externes des marchés mondiaux pourraient causer une perte de 19,5 pourcent de la valeur ajoutée dans le système agro-alimentaire du pays.
Ces pertes se traduisent en pertes de revenus pour les ménages allant jusqu’à 19,8 pourcent pour les plus pauvres. Environ 3,8 million de ghanéens pourraient temporairement basculés sous le seuil de pauvreté, et de nombreux ménages vulnérables continueraient de souffrir même lorsque l’économie du pays commencerait à repartir.
Il est intéressant de noter que le rapport montre que malgré le fait que le confinement au Ghana ait été uniquement appliqué dans deux régions urbaines majeures, la population rurale du pays a également été touchée. Plus d’un-tiers des 3,8 millions de ghanéens qui risquent de basculer en dessous du seuil de pauvreté vivent dans des fermes rurales. Le rapport met en évidence le fait que les programmes de soutiens sociaux visant à réduire l’impact des mesures liées à la COVID-19 doivent prendre en compte les ménages ruraux, et comprendre des mesures de soutien ciblé pour le système alimentaire du pays dans son ensemble.
Sara Gustafson est une auteure indépendante.