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Améliorer la résilience: Aperçu de la sécurité alimentaire

L’Afrique au Sud du Sahara est actuellement confrontée à une série de chocs – des conflits civils à l’incidence croissante des parasites et maladies transfrontalières des plantes et des animaux aux chocs climatiques découlant à la fois du changement climatique et des récents phénomènes climatiques El Niño et La Niña. Selon la plus récente édition de l’ “Aperçu régional de la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique” de la FAO, pris ensemble, ces chocs représentent une menace aux progrès récents réalisés dans la région pour atteindre la sécurité alimentaire et nutritionnelle. De fait, de nombreux pays ( Somalie, Sud-Soudan et Nigéria ) sont actuellement confrontés à des conditions de famine suite aux chocs entraînés par les conflits et le climat. Le défi à présent pour les gouvernements africains et les partenaires au développement est de construire la résilience de la population face à ces chocs et à ces stress persistants.

Le rapport commence avec une perspective sur la prévalence et les tendances de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition en Afrique sub-saharienne. Pour ce faire, il utilise un nouvel outil pour suivre le statut de sécurité alimentaire et nutritionnelle : l’échelle de mesure de l’insécurité alimentaire (FIES). L’outil FIES mesure la sévérité de l’insécurité alimentaire en se basant sur les réponses directes à un questionnaire concernant l’accès des individus à des approvisionnements alimentaires adéquats. Cette méthodologie diffère par exemple de l’ Indice de la Faim dans le Monde (IFM) qui utilise des données disponibles au niveau national et régional pour calculer des scores normalisés de la faim pour chaque pays sur la base de quatre composantes (malnutrition, maigreur de l’enfant, retard de croissance et mortalité infantile). Utilisé en combinaison avec d’autres indicateurs tels que l’IFM, le FIES peut apporter une autre perspective sur la sécurité alimentaire au niveau individuel.

L’outil FIES a permis d’étudier la prévalence de la malnutrition et la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou sévère dans des échantillons représentatifs des populations nationales de plus de 145 pays en 2014 et 2015. Les estimations de l’insécurité alimentaire sont basées sur l’expérience personnelle des individus sur une période de 12 mois. Les réponses individuelles sont utilisées pour produire des estimations nationales et régionales de la prévalence de l’insécurité alimentaire, qui sont ensuite calibrées selon une norme de référence globale afin de pouvoir les comparer à travers les pays. Plusieurs niveaux d’insécurité alimentaire sont pris en compte, par exemple, le fait d’avoir faim mais d’être incapable de manger ou le fait de passer toute une journée sans manger à cause du manque d’argent ou de ressources.

Selon les estimations du FIES, environ 7,5 pour cent de la population mondiale de plus de 15 ans a souffert  de l’insécurité alimentaire sévère en 2014-2015. En Afrique sub-saharienne, ce chiffre a atteint les 26 pour cent, le chiffre le plus élevé du monde. Sur le plan régional, la plus faible prévalence de l’insécurité alimentaire sévère a été enregistrée en Afrique du Sud (20 pour cent) et en Afrique de l’Ouest (23 pour cent). Les régions d’Afrique du Centre et de l’Est enregistrent des taux d’insécurité alimentaire plus élevés que la moyenne régionale, 31 pour cent et 28 pour cent, respectivement. Les réductions de la faim et les améliorations du statut nutritionnel dans ces deux dernières sous-régions ont été entravées ces dernières années par les conflits, les troubles civils et les défis découlant du changement climatique. La République Centrafricaine, le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigéria, ont été particulièrement touchés.

 

La production alimentaire en Afrique est restée stagnante au cours des cinq dernières années et la productivité agricole de la région reste très faible, en particulier en ce qui concerne les cultures céréalières de base. Ainsi, de nombreux pays de la région sont devenus des importateurs nets de produits alimentaires, lesquels produits dépendent fortement des marchés alimentaires mondiaux. Selon la FAO, entre 1980 et 2010, l’Afrique sub-saharienne s’appuyait sur les importations pour remplir 15 à 20 pour cent de ses réserves de céréales. Certains pays sont devenus encore plus dépendants des importations, comme le Botswana, le Cap-Vert et l’île Maurice,  qui comptent sur les importations pour remplir plus de 80 pour cent de leurs besoins en céréales. En 2008, les importations alimentaires de l’Afrique en tant que région atteignaient la somme record de 50 milliards de dollars. Ces factures élevées d’importations alimentaires placent un lourd fardeau sur les budgets nationaux, privant de financements d’autres projets de développement importants sans vraiment résoudre l’insécurité alimentaire sur le long terme. Le rapport souligne que l’intensification du commerce au sein de la région pourrait être essentielle pour mettre un terme à la dépendance de l’Afrique en termes de produits alimentaires provenant des marchés mondiaux et permettre au continent de mieux assurer sa propre sécurité alimentaire. Les efforts récents pour augmenter le commerce intra régional et renforcer l’intégration régionale ont été axés sur les méthodes de libéralisation des accords commerciaux régionaux pour aider la région à réduire sa dépendance face aux importations.

Les niveaux de pauvreté de la région, malgré une baisse au cours des dernières années, restent les plus élevés du monde. Ce qui accentue le problème de l’accessibilité alimentaire (ex.: la capacité d’avoir des ressources suffisantes pour obtenir un régime alimentaire nutritif et adéquat). Le rapport cite l’Indice des Prix Alimentaires Nationaux de la Banque Mondiale qui mesure le prix relatif des produits alimentaires dans le panier global de consommation des ménages. Cet indice était 6,0 en 2013 pour l’Afrique, ce qui signifie que les prix des aliments étaient environ six fois plus élevés que le prix des produits non alimentaires. Au même moment, le revenu moyen par habitant dans la région était de 3.400 dollars en 2014 – trois fois plus faible que celui de l’Asie, de l’Amérique Latine et des Caraïbes, et beaucoup plus faible que la moyenne mondiale de 14.500 dollars. Les revenus par habitant plus faibles et les prix alimentaires plus élevés réduisaient drastiquement le pouvoir d’achat des ménages.

L’Afrique souffre encore du triple fardeau de la malnutrition – dénutrition, déficience en micronutriments et surpoids/obésité. Un enfant sur trois de moins de cinq ans souffre d’un retard de croissance, et approximativement 154 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition. Dans le même temps, cinq pour cent de la population de moins de cinq ans dans la région est en surpoids, ce qui augmente le risque de maladies non transmissibles telles que les maladies cardiovasculaires et le diabète.

L'insécurité alimentaire et la malnutrition sont majoritairement les conséquences des catastrophes naturelles telles que les sécheresses sévères, les inondations, mais aussi l’instabilité politique persistante, les conflits et autres formes de violence. Selon le rapport, environ 75 à 205 millions de personnes en Afrique seront exposées à un stress hydrique plus important à cause du changement climatique d’ici 2020. Dans certains pays, les rendements provenant de l’agriculture pluviale pourraient baisser de presque 50 pour cent la même année, réduisant drastiquement l’accès de la population aux aliments et conduisant ainsi à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition. L’adaptation au changement climatique sera coûteuse – la Banque Africaine de Développement estime que le coût de l’adaptation au changement climatique sera de 20 à 30 milliards de dollars par an au cours des deux prochaines décennies.

Pour faire face à ces défis, 30 pays africains ont produit des cadres de politiques climatiques, à l’exemple du Plan d’Action d’Adaptation Nationale (NAPA) et des Mesures d’Atténuation Adaptées au Contexte National (MAAN). De plus, de nombreuses politiques et de nombreux programmes ont été établis en vue de mettre en œuvre une approche transfrontalière plus vaste. Ces politiques et programmes incluent le programme UA/NEPAD sur l’agriculture et le changement climatique qui a guidé la Déclaration de Malabo de 2014 ; ce programme vise à améliorer la résilience des moyens de subsistance et des systèmes de production de l’Afrique en intensifiant l’agriculture intelligente face au climat dans la région.

Les conflits civil s perdurent également dans de nombreuses zones de la région. Ces conflits sont particulièrement préjudiciables aux populations rurales car ils détruisent l’agriculture, déplacent les ménages producteurs d’aliments, perturbent la production alimentaire et les systèmes alimentaires, et entraînent des pertes des actifs et des revenus des ménages ruraux. Les efforts pour améliorer la résilience des populations dans ce sens se sont concentrés sur la consolidation de la paix et l’intensification du suivi dans les zones affectées par les conflits pour s’assurer que l’assistance humanitaire peut atteindre les populations dans le besoin dans les meilleurs délais.