D’ici 2050, la FAO estime que la population mondiale aura atteint les 9,1 millions de personnes. Pour nourrir cette population, le monde aura besoin de produire beaucoup plus de produits alimentaires : 3 milliards de tonnes supplémentaires de céréales et plus de 200 millions de tonnes supplémentaires de produits carnés par an. Dans le même temps, cependant, nous sommes confrontés à un manque de terres arables sur lesquelles les agriculteurs peuvent étendre leur production, à une concurrence accrue pour les ressources naturelles, et à une baisse de la fertilité des sols.
Tous ces défis impliquent qu’un changement mondial sera nécessaire – à savoir passer des systèmes d’agriculture extensive à des systèmes agricoles d’intensification durable (ID) – pour augmenter la production alimentaire. Les systèmes d’intensification durable incluent l’agroforesterie, les cultures intercalaires et la diversification agricole, ainsi que l’utilisation d’engrais minéraux et biologiques, pour aider à renouveler la fertilité des sols et augmenter les rendements agricoles.
Un nouvel article de la revue Food Security examine le potentiel de l’intensification durable (ID) de la production de maïs en Afrique sub-saharienne. L’article porte sur 17 études pluriannuelles réalisées sur plusieurs sites différents et examinées par des pairs. Ces études ont évalué les résultats des interventions d’ID pour les petits exploitants agricoles, en se concentrant sur les systèmes d’exploitation du maïs. Les interventions analysées incluent, entre autres : l’utilisation d’engrais vert, l’utilisation des cultures intercalaires de légumineuses, l’utilisation de l’agroforesterie et l’utilisation de l’agriculture de conservation.
L’article étudie le double impact de ces interventions, d’une part, sur la « prestation de services » (rendement des graines et des protéines du maïs) et, d’autre part, sur les « services de soutien » (production de biomasse par unité de précipitation et efficacité des engrais azotés) ; en combinant ces deux facteurs, l’étude peut analyser l’impact des interventions d’ID sur la production agricole et sur la durabilité agricole. Après la compilation des informations à partir de chacune de ces études sur les services pertinents, les auteurs ont utilisé des graphiques en radar pour visualiser et comparer les services fournis par les multiples interventions d’ID.
Globalement, l’article montre qu’il existe à la fois des avantages et des compromis face à de nombreuses interventions d’ID, et que la réponse des divers secteurs à ces interventions est hautement variable et spécifique au contexte.
La majorité des études ont prouvé que l’application d’engrais azotés augmente les rendements des céréales, les rendements en protéines ainsi que la biomasse végétale ; à l’exception des zones caractérisées par des sols plus sablonneux sur de nombreux sites d’étude au Zimbabwe. La diversification des systèmes de culture du maïs intercalé avec des légumineuses a entraîné une utilisation encore plus efficace des engrais azotés et une augmentation supplémentaire des rendements des céréales. En particulier avec l’utilisation de variétés de légumineuses à vie plus longue qui produisent une couverture végétale plus importante et des produits alimentaires à plus forte teneur en protéines ; l’utilisation de telles variétés a augmenté l’efficacité des engrais azotés, les rendements en protéines ainsi que la biomasse végétale. Cependant, l’article mentionne également que l’introduction des légumineuses dans les cultures intercalaires peut réduire les rendements annuels du maïs pour les petits agriculteurs, étant donné que le maïs ne sera pas produit pendant les périodes de culture des légumineuses. Autrement dit, les cultures intercalaires seront peut-être plus attractives et plus efficaces pour les agriculteurs ayant des propriétés légèrement plus grandes ; en effet, ces derniers seront plus en mesure d’échelonner différentes cultures dans différents champs et d’assurer à la fois la production du maïs et la production des légumineuses dans une année donnée.
Il a été prouvé que l’utilisation de l’agroforesterie est l’intervention qui a le plus grand impact sur les rendements du maïs, produisant de 2000 à 5000 kg ha de graines, par rapport à 1000 kg ha lorsque le maïs est planté seul. Cependant, l’agroforesterie implique également une utilisation substantielle de main d’œuvre, ce qui la rend inefficace pour de nombreux agriculteurs. De plus, la pratique de l’élevage itinérant est courante dans de nombreuses zones en Afrique sub-saharienne, ce qui représente un autre défi pour l’application réussie de l’agroforesterie, selon l’article.
Les études analysées montrent que les impacts les plus incohérents sont exercés par l’agriculture de conservation. Bien que, dans certains cas, l’utilisation des pratiques culturales de conservation ait amélioré les rendements du maïs et la production de biomasse végétale, ces effets ne sont pas généralisés. De plus, certaines études ont montré que pour que la pratique des cultures de conservation soit efficace dans les premières années de son adoption, de vastes applications d’engrais azotés sont nécessaires ; ceci peut réduire le rapport coût-efficacité et la faisabilité pour les petits agriculteurs pauvres. Les auteurs en concluent que l’agriculture de conservation doit être adaptée aux types de sols locaux, à la topographie et aux conditions climatiques, et doit être accompagnée par des interventions visant à augmenter l’accès des agriculteurs aux intrants tels que les engrais azotés, afin d’être véritablement efficace.
L’article se termine avec plusieurs perspectives pour les programmes d’intensification durable en Afrique sub-saharienne. Les efforts d’amélioration végétale devraient être concentrés sur la production de variétés de légumineuses qui ont une longue durée de vie et qui produisent une végétation copieuse et des aliments riches en protéine. De plus, augmenter à la fois la demande des ménages et la demande du marché en légumineuses incitera plus de petits agriculteurs à adopter des cultures intercalaires ; ainsi, des efforts devraient être fournis pour augmenter la sensibilisation des consommateurs et des producteurs face aux avantages nutritifs et agricoles des légumineuses.
De plus, les programmes d’intensification durable doivent passer d’une approche « à taille unique » à une approche qui tient compte de la diversité des spécificités concernant la taille et le contexte, pour plus d’efficacité et plus de durabilité. Selon les auteurs, ces programmes seraient plus avantageux pour les petits agriculteurs s’ils fournissaient une gamme de techniques d’ID et s’ils renforçaient les capacités des agriculteurs en termes de partages des connaissances et de coopération, permettant ainsi de combiner ces techniques d’une manière plus adaptée à leurs spécificités locales. Pour ce faire, il conviendra d’effectuer des investissements dans la recherche à long terme et dans les services de vulgarisation.
Enfin, l’article souligne le besoin d’une élaboration cohérente des politiques de soutien à l’agriculture durable. Par exemple, les programmes de subvention des intrants agricoles au Malawi et au Zimbabwe sont centrés presqu’exclusivement sur les semences hybrides du maïs et les engrais du maïs, à l’exclusion de la diversification des légumineuses et autres initiatives d’ID. Intégrer l’intensification durable dans les programmes nationaux prioritaires aidera à encourager une utilisation plus répandue de ces techniques dans l’agriculture africaine.