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Risques climatiques et adoption des intrants

Le maïs constitue une importante culture de base dans la majeure partie de l’Afrique sub-saharienne, mais la production de maïs comporte des risques. Le climat est l’un des risques les plus significatifs auxquels sont confrontés les producteurs de maïs. Les conditions climatiques variables et hétérogènes représentent un défi pour les cultures pluviales telles que le maïs et ont été identifiées comme étant la cause des faibles taux d’utilisation d’engrais et d’adoption de variétés améliorées de semences, selon un document de travail publié par le programme HarvestChoice d’IFPRI.

D’après les auteurs du document, même si les agriculteurs préfèrent généralement avoir des rendements moyens plus élevés, ils présentent aussi une tendance à éviter les rendements très faibles ou une variabilité excessive des rendements. Par exemple, la plupart des agriculteurs préfèreront recevoir un rendement sûr de 0,5 tonnes/ha plutôt qu’un rendement avec une chance égale d’atteindre soit 6,75 tonnes/ha soit 2,5 tonnes/ha. Ainsi, si l’utilisation de variétés de semences améliorées ou d’engrais dans certaines régions agro-écologiques ou sous certaines conditions climatiques ne garantit pas des rendements élevés, de nombreux agriculteurs choisiront d’en rester aux semences et aux méthodes de production traditionnelles. Les coûts élevés des engrais et des semences améliorées peuvent représenter un défi supplémentaire – les agriculteurs peu enclins à prendre des risques choisiront de ne pas dépenser des ressources précieuses dans l’achat d’intrants qui ne présentent aucune garantie d’amélioration de leurs rendements.

Le document de HarvestChoice utilise des simulations de la distribution des rendements et l’approche des limites du consentement à payer sur une période de dix ans pour examiner de plus près comment le risque climatique en Afrique sub-saharienne peut impacter les rendements obtenus grâce aux engrais azotés et aux variétés améliorées de semences par les producteurs de maïs à travers la région. Les auteurs ont effectué une simulation de la distribution des rendements pour les variétés traditionnelles et améliorées des semences avec et sans l’utilisation d’engrais azotés. Ces distributions sont ensuite utilisées pour créer des limites du consentement à payer des agriculteurs (en termes de rendements de maïs) pour l’engrais ou les variétés de semences améliorées. L’utilisation des limites du consentement à payer considère les différentes tolérances au risque des agriculteurs, prenant ainsi en compte le caractère risqué de la production de maïs dû aux conditions climatiques variables et le fait que les intrants étudiés (engrais et variétés de semences améliorées) ne sont peut-être pas uniformément bénéfiques à chaque ferme sous toutes les conditions. Enfin, une analyse de sensibilité se penche sur la manière dont les limites du consentement à payer évoluent en fonction du changement des prix du maïs ou des coûts de l’engrais azoté.

L’étude examine 24,8 millions d’hectares de cultures agricoles à travers l’Afrique sub-saharienne et compare i) la distribution estimée des rendements pour les variétés traditionnelles de maïs avec et sans azote, ii) les variétés améliorées et traditionnelles sans azote, et iii) la variété améliorée avec l’utilisation de l’engrais azotés et la variété traditionnelle sans l’utilisation de l’engrais azoté.

Le document montre tout d’abord que l’adoption initiale de l’engrais azoté combinée avec les variétés de semences traditionnelles améliore la distribution des rendements sur uniquement 32 pour cent des hectares étudiés, bien que ce chiffre s’améliore et passe à 49 pour cent après 10 ans d’une utilisation durable d’engrais azoté. Cette amélioration des rendements suite à l’utilisation durable d’engrais est particulièrement évidente en Angola, au Congo et au Nigeria. Cependant, le document montre aussi que l’amélioration des rendements due à l’utilisation durable d’engrais n’est pas uniformément positive ; en fait, le pourcentage de terres cultivables confronté au plus grand risque augmente de 2 à presque 5 pour cent après de 10 ans d’utilisation d’engrais azote. Ce résultat est plus qu’évident au Cameroun et à l’Est de la Tanzanie. Cette conclusion montre que l’Afrique sub-saharienne se compose de conditions agricoles et climatiques hétérogènes, ce qui signifie que ce qui est bon pour les rendements dans une zone peut ne pas l’être pour les rendements dans d’autres zones.

Deuxièmement, le document montre que l’adoption initiale de variétés de semences améliorées sans l’utilisation d’engrais azoté fournit de plus importantes améliorations des rendements à travers une plus large portion de la région, mais ces améliorations diminuent avec l’utilisation durable des engrais. Cette baisse à long terme dans l’amélioration des rendements est telle que dans certaines régions, les agriculteurs préfèrent abandonner les variétés de semences améliorées en faveur des semences traditionnelles.

Troisièmement, l’adoption initiale des variétés de semences améliorées et de l’engrais azoté entraîne d’importantes améliorations dans la distribution des rendements à travers la plus grande partie de la région ; de plus, ces améliorations ont tendance à persister sur la période de 10 ans.

Enfin, les auteurs ont réalisé une analyse de sensibilité pour examiner comment les changements concernant le prix mondial du riz et le coût de l’engrais azoté influencent les améliorations dans la distribution des rendements. Ils ont montré que dans des domaines ou l’accès limité au marché augmente  le coût des engrais azotés et diminue le prix du maïs, les avantages constatés avec l’utilisation  de l’engrais et des variétés améliorées de semences sont moindres ou même complètement nuls.

Globalement, l’étude conclut que bien que l’engrais azoté et les variétés améliorées de semences ne soient pas toujours bénéfiques pour tous les agriculteurs, en raison de la variabilité des conditions climatiques, des risques et du prix élevé de ces intrants, il existe d’importantes synergies entre l’engrais azoté et les variétés de semences améliorées. Les avantages de l’utilisation de l’azote ont tendance à augmenter dans le temps sans les variétés de semences améliorées, alors que les avantages des variétés de semences améliorées ont tendance à baisser dans le temps sans l’utilisation de l’azote. Cependant, combiner les deux intrants fournit des avantages de productivité plus importants et plus durables à travers de vastes zones d’Afrique sub-saharienne. D’après les auteurs, une politique encourageant à la fois l’utilisation de l’engrais azoté et l’adoption de variétés de semences améliorées serait un très bon moyen de promouvoir l’augmentation de la productivité des producteurs de maïs à travers la plus grande partie de la région.

Sara Gustafson, IFPRI