Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) présentent un vaste potentiel pour l’amélioration de l’agriculture et de la sécurité alimentaire et pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD). Les TIC peuvent contribuer à l’agriculture de différentes manières, allant de l’aide aux agriculteurs pour obtenir des prix équitables pour leurs produits à l’augmentation des rendements agricoles. Cependant, même si ces technologies permettent d’aider des centaines de millions de petits agriculteurs et autres parties prenantes dans les zones rurales, il reste des obstacles importants à franchir, tels que la mauvaise qualité de la connexion internet, les taux élevés d’analphabétisation et le manque de financements à long terme pour les programmes et les infrastructures des TIC. Comprendre l’étendue de ces défis, ainsi que les moyens de les relever avec succès, sera essentiel pour aider à augmenter l’adoption des TIC dans les pays en développement.
Tenant compte de ces préoccupations, le Centre Technique pour la Coopération Agricole et Rurale (CTA) a dirigé une série de projets – présentés dans un nouveau livret – qui soulignent le potentiel de l’utilisation à long terme et de l’élargissement des TIC appliquées à l’agriculture. Les parties prenantes de ces projets incluent des gouvernements et des agents de vulgarisation agricole, des coopératives d’agriculteurs, des transformateurs et des fournisseurs, des ministères de l’agriculture et des ressources en eau, le monde universitaire et l’Agence Spatiale Européenne.
Ce qui ressort clairement des études de cas présentées dans le livret, c’est le besoin de soutenir les activités tout au long de la chaîne de valeur afin de renforcer le système agricole en entier et d’augmenter la résilience des agriculteurs face aux chocs, de la production à la vente.
Au Ghana, le Système d’Information Géographique (SIG) est utilisé pour aider les agriculteurs à se retrouver à travers le labyrinthe complexe des certifications biologiques. L’agriculture biologique aide les agriculteurs à augmenter leurs profits et réduire leur exposition aux pesticides dangereux. Cependant, la cartographie et le relevé topographique précis des exploitations agricoles nécessaires pour présenter une candidature et être qualifié pour la certification biologique peuvent être des processus longs et difficiles. En 2014-2015, une entreprise privée appelée Syecomp s’est associée au CTA pour développer l’application eFarms, un service de cartographie géospatial. Ce service permet un arpentage facile et précis à travers l’utilisation d’appareils GPS portatifs. Ces données GPS sont utilisées pour créer des cartes précises des champs des agriculteurs, lesquelles cartes sont accessibles avec un téléphone mobile. A ce jour, 440 exploitations agricoles au Ghana ont été cartographiées, permettant à plusieurs d’entre elles d’obtenir une certification biologique et d’étendre leur production. Le service présente aussi d’autres utilisations potentielles, y compris aider les agriculteurs à : évaluer la quantité d’intrants agricoles et de main d’œuvre dont ils ont besoin ; fournir des garanties pour obtenir des prêts bancaires ; et remplir des demandes d’assurance récolte. Selon la brochure du CTA, les organisations d’agriculteurs du Ghana ont également exprimé leur intérêt à collaborer avec Syecomp et utiliser l’application pour améliorer leur pouvoir de négociation. Syecomp met également eFarms au service des entreprises d’intrants agricoles en fournissant des groupes de cartes et en les associant avec des clients potentiels.
Une seconde étude de cas montre comment l’utilisation des données numériques peut fournir des conditions de commerce équitable pour les producteurs de produits alimentaires en Afrique de l’Ouest et du Centre, principalement au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Mali. Deux ONG, RONGEAD (basée en France) et N’Kalô (basée en Afrique de l’Ouest) ont développé un service de SMS qui fournit des données de marché et informations diverses aux agriculteurs et autres intervenants agricoles, y compris les exportateurs. En fournissant des prix de marché régulièrement mis à jour, le service donne aux agriculteurs et autres intervenants la possibilité de planifier leurs activités d’achat, de vente et de stockage. La précision et la transparence des données fournies ont augmenté l’utilisation depuis le lancement en 2008. A travers les trois pays étudiés, le programme a formé 8.000 personnes sur la manière de promouvoir les avantages du service pour plus de 50.000 petits exploitants agricoles, dont la plupart sont analphabètes, en utilisant des illustrations et des bandes dessinées. Les avantages de l’approche globale des chaînes de valeur du programme sont de plus en plus reconnus, et RONGEAD et N’Kalô sont actuellement en phase d’expansion pour contribuer aux stratégies nationales et à l’élaboration des politiques.
En Ouganda, la formation sur la finance numérique et les services de banque en ligne aide les agriculteurs à accéder aux outils financiers. MOBIS est un produit monétaire mobile créé par l’entreprise Ensibuuko pour relier les agriculteurs aux fournisseurs de services de finance rurale communautaire tels que les coopératives d’épargne et de crédit (SACCO, en anglais). Le produit regroupe maintenant plusieurs applications sur un support unique, à savoir : un portefeuille mobile ; un système de gestion des informations (SGI) de la SACCO; des formations sur la finance numérique ; et un portail pour permettre aux agriculteurs de gérer leurs finances personnelles. Le Ministère du Commerce, de l’Industrie et des Coopératives (MTIC), qui possède sa propre SACCO offrant des services bancaires à son personnel, a adopté MOBIS ; et Ensibuuko a également entamé un partenariat avec Airtel Uganda , une entreprise nationale de télécommunication, pour résoudre les problèmes de connexion à l’Internet qui avaient un impact négatif sur les taux d’adoption. Airtel a fourni des cartes SIM spéciales qui ont permis aux agriculteurs d’avoir un accès via un cloud aux produits Ensibuuko, tout en fournissant sécurité et accessibilité. Des formations et des campagnes d’information ont également augmenté l’adoption des applications ; par exemple, Allied SACCO a formé 25 membres du personnel pour diriger des formations dans leurs communautés locales et 15.000 agriculteurs alliés sont maintenant inscrits à MOBIS.
Une quatrième étude de cas se penche sur un autre programme au Ghana qui centralise de plus en plus d’informations et de services disponibles sur les agricultrices. Au Ghana, les femmes possèdent une exploitation agricole sur dix (plus de deux hectares). De plus, alors que les femmes produisent près de la moitié de la production alimentaire dans le pays, elles sont systématiquement exclues des dispositions concernant la propriété des terres. Par conséquent, les agricultrices courent un risque plus important de perdre leur source d’aliments, de revenus et leur logement. Le service MERGDATA, lancé par Farmerline , fournit aux agricultrices des informations agricoles via des appels téléphoniques en langues locales, quatre jours par semaine. Les messages incluent des prévisions météorologiques, des services de vulgarisation agricole et des informations sur les prix du marché ; ces messages sont des conseils qui permettent aux femmes de maximiser les rendements et d’obtenir les meilleurs prix pour leurs produits. Lorsque les femmes ont des questions sur les informations fournies, un expert interne au Centre Farmerline prend leur appel et fournit d’autres conseils. Le programme offre également la possibilité de créer des groupes de messages pour des villages particuliers ou pour les agriculteurs qui cultivent les mêmes variétés. MERGDATA fournit également des outils de collecte de données et de traçabilité pour les entreprises alimentaires, les gouvernements, les entreprises agro-alimentaires et autres intervenants qui travaillent avec les agriculteurs, permettant ainsi aux entités de mieux gérer leurs réseaux de plus de 200.000 petits exploitants agricoles et toute la chaîne d’approvisionnement à travers le Cameroun, le Ghana, le Malawi, le Nigéria et la Sierra Leone. Parce que le programme utilise des services de vulgarisation agricole existants, l’extension vers des pays et des agriculteurs supplémentaires devrait être rentable et durable, selon le rapport du CTA.
Le CTA a également lancé une nouvelle base de données de centaines de TIC pour les applications agricoles, qui cartographie les applications tout au long de la chaîne de valeur. Ces projets peuvent fournir des informations importantes concernant les méthodes qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent pas, ainsi que des moyens d’augmenter l’utilisation des TIC en agriculture.