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L’insécurité alimentaire augmente : Rapport GRFC semi-annuel de 2020

Cet article a été rédigé par Sara Gustafson.

D’après le Rapport Global de 2020 sur les Crises Alimentaires , 135 millions de personnes dans 55 pays différents avaient besoin d’un soutien alimentaire et d’un soutien aux moyens d’existence, en 2019. Ce chiffre est un record en termes d’insécurité alimentaire globale. La mise à jour semi-annuelle du GRFC , publiée début octobre, examine les données récentes de 26 de ces pays (et du Togo), en se concentrant sur les effets de la pandémie de COVID-19.

Dans les 27 pays étudiés, environ 97,6 millions de personnes faisaient face à une insécurité alimentaire de niveau de « crise ou plus » (Phase IPC/CH 3 ou plus), en 2019. Entre mars et septembre 2020, ce chiffre a augmenté de 101 à 105 millions de personnes. La majorité de ces populations vit en Afrique subsaharienne.

En Afrique subsaharienne, ainsi que dans d’autres régions du monde, la plupart des crises alimentaires en 2019 provenaient de conflits, de chocs climatiques extrêmes, de chocs économiques ou d’une combinaison de ces facteurs. Bien qu’il soit trop tôt pour estimer précisément les effets de la pandémie de COVID-19, le rapport traite des impacts potentiels de cette pandémie, des confinements et du déclin économique liés. Il fait écho au rapport de 2020 sur la sécurité alimentaire et la nutrition , qui estimait qu’environ 132 millions de personnes supplémentaires pourrait être sous-alimentées d’ici fin 2020 dans le monde, à cause de la pandémie. Une projection similaire de l’IFPRI prévoit une augmentation drastique de la pauvreté mondiale, avec 150 millions de personnes en plus vivant dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire cette année.

La mise à jour semi-annuelle du rapport fournit une décomposition régionale qui inclue l’Afrique de l’Est, l’Afrique Centrale et du Sud, l’Afrique de l’Ouest, le Sahel, et le Cameroun.

En Afrique de l’Est, les conflits, les inondations, la hausse des prix des produits alimentaires, et l’invasion de criquets récente sont les principaux facteurs des crises alimentaires actuelles, en plus des effets de la COVID-19. La population urbaine de la région, qui a rapidement cru ces dernières années, a été la plus touchée à cause des pertes d’emploi dues aux mesures de confinement liées à la pandémie. De nombreux ménages pauvres de la région ont également perdu des transferts d’argent. Les 9 millions de personnes déplacées en interne et les 4,6 millions de réfugiés sont les plus exposées aux risques d’augmentation d’insécurité alimentaire et de famine, d’autant plus que l’aide humanitaire dans la région a diminué de 10% à 30% en 2020.

Au Soudan, environ 9,6 millions de personnes étaient considérées en situation d’insécurité alimentaire de niveau « crise ou plus » entre juin et septembre 2020 – un chiffre record. De plus, 15,9 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire « sous-pression » (Phase IPC 2). Les conflits, la hausse des prix des produits alimentaires et l’invasion de criquets combinés à la pandémie de COVID-19 ont conduit à ces chiffres impressionnants. Les inondations début septembre pourraient venir augmenter le niveau d’insécurité alimentaire.

Au Soudan du Sud, l’insécurité alimentaire aiguë reste élevée, avec environ 7 à 8 millions de personnes dans des situations d’insécurité alimentaire entre les mois de février et d’août. Les conflits actuels, le manque d’infrastructure, l’inefficience des marchés, et les conditions économiques dégradées ont exacerbés l’insécurité alimentaire ; certains de ces facteurs ont également augmenté à cause de la COVID-19.

En Ethiopie, environ 8,5 millions de personnes, représentant 21% de la population enquêtée, étaient en situation d’insécurité alimentaire de niveau de « crise ou plus » entre juillet et septembre 2020. Plus d’un million de ces personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire « urgente » (Phase IPC 4). Les principaux facteurs de cette insécurité dans le pays étaient les mauvaises cultures dues à l’invasion de criquets, à des précipitations plus faibles que la moyenne dans certaines régions, à des inondations dans d’autres régions, à des déplacements de populations causés par les conflits et les évènements climatiques, et aux pertes de revenus ainsi qu’à la hausse des prix des produits alimentaires liées à la COVID-19.

Entre 2,5 et 3 millions de personnes en Uganda faisaient face à une situation d’insécurité alimentaire de niveau « crise ou plus » entre mai et août. Les populations urbaines ont connu des pertes d’emplois et de revenus à cause de la COVID-19, et les populations réfugiées avaient moins d’opportunités d’emplois temporaires.

De plus, les prix des produits de première nécessité ont augmenté dans certaines régions, réduisant le pouvoir d’achat des ménages. D’autres facteurs de l’insécurité alimentaire en Uganda incluent les inondations localisées, les maladies du bétail, et les conflits localisés tels que les raids de vol de bétail.

Au Kenya, 6% de la population enquêtée (environ 850,600 personnes) devrait être en situation d’insécurité alimentaire de niveau « crise ou plus » entre octobre et décembre, principalement dans les régions arides et semi-arides. Les impacts de la COVID-19, les inondations généralisée, l’invasion de criquets et les problèmes de récolte liés, ainsi que les conflits, ont aggraver l’insécurité alimentaire.

De nombreux pays en Afrique de l’Ouest et au Sahel avaient déjà des problèmes d’augmentation de l’insécurité alimentaire, même avant la pandémie de COVID-19. Les conflits dans la région ont conduit à des déplacements massifs de population, à des pertes des moyens de subsistance, et à l’interruption des aides alimentaires. De plus, des inondations importantes ont touché plusieurs parties de la région en 2019 et 2020, et la COVID-19 a augmenté la pauvreté, a interrompu les chaînes de valeur, et a augmenté le prix des produits alimentaires.

Plus de 5,7 millions de personnes faisaient face à une situation d’insécurité alimentaire de « crise ou plus » au nord-est du Nigéria ; le rapport semi-annuel estime que 8,7 millions de personnes étaient dans une situation d’insécurité alimentaire aigüe dans les 16 régions du nord et dans le territoire de la capitale fédérale du Nigéria entre juin et août. Ces chiffres représentent une augmentation de l’insécurité alimentaire de 73% depuis 2019. La pandémie de COVID-19 a exacerbé les conditions existantes provenant des conflits, des chocs économiques et des évènements climatiques extrêmes.

En Afrique Centrale et du Sud, la sécheresse et le ralentissement économique ont fragilisé le pouvoir d’achat de nombreux ménages, avant même la pandémie. Alors que plusieurs pays dans la région avaient profité de précipitations adéquates en début d’année, certains ont fait face à des précipitations plus faibles que la moyenne, se traduisant par des problèmes de récolte et des pertes de revenus.

Les consommateurs urbains qui dépendent des marchés ouverts pour acheter leurs produits alimentaires ont eu un accès réduit à ces produits puisque plusieurs marchés ont dû fermer à cause des mesures de confinement liées à la COVID-19. Les conflits ont également impacté la région.

Environ 2,6 millions de Malawiens devront faire face à une situation d’insécurité alimentaire entre octobre 2020 et mars 2021 ; ce qui représente 15% de la population du pays. La plupart de ces situations d’insécurité alimentaire devraient se produire dans le sud rural, qui a connu à la fois des inondations et des sécheresses donnant lieu à un manque de production cette année. La population urbaine dans plusieurs villes fait également face à une situation d’insécurité alimentaire aigüe du fait des pertes d’emplois, des réductions de transferts d’argent, et des réductions de revenus résultants de la pandémie.

En République Démocratique du Congo, 21,8 millions de personnes devraient être en situation d’insécurité alimentaire de niveau de « crise ou plus » d’ici décembre 2020. Environ 5,7 millions de ces personnes seront en situation d’insécurité alimentaire « urgente » (Phase IPC 4), et 29 millions seront en situation d’insécurité alimentaire « sous pression ». Les conflits continus ont donné lieu à des déplacement de population dans de nombreuses régions du pays ; ces déplacements, combinés avec les inondations et les effets des mesures de confinement liées à la COVID-19, ont interrompu les activités agricoles et les moyens de subsistance de nombreux ménages vulnérables.

Dans les villes de Maputo et de Matola, au Mozambique, environ 364000 personnes se sont retrouvées en situation d’insécurité alimentaire de niveau de « crise ou plus » entre juin et novembre. Les populations urbaines sont les plus touchées avec moins de demande pour les emplois temporaires, des transferts réduits, des prix de produits alimentaires en hausse, et des restrictions aux importations.

Au début de la saison creuse (octobre-novembre), 285000 personnes de plus devraient faire face à une situation d’insécurité alimentaire aigüe dans sept districts ruraux enquêtés. La hausse des prix des produits alimentaires, les conflits grandissant, l’épuisement des ressources alimentaires des ménages, combinés aux impacts de la COVID-10, sont les principaux facteurs d’insécurité alimentaire dans les zones rurales.

 

Sara Gustafson est auteure indépendante.