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Investissements et capacités de la recherche agricole en Afrique

L’Afrique sub-saharienne est la seule région du monde en développement où le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté continue à augmenter. Etant donné que l’agriculture contribue de manière substantielle à l’économie de la région, il est crucial de stimuler la croissance pour réduire la pauvreté. Mais bien que l’amélioration de la technologie ait été le moteur de l’augmentation de la croissance de la production agricole dans d’autres zones en développement, en Afrique sub-saharienne, la croissance a été extensive plutôt qu’intensive, une situation qui ne sera pas durable sur le long terme.

Un récent rapport du programme ASTI ( Agricultural Science and Technology Indicators ) de l’IFPRI évalue les tendances – en investissement, en capacités des ressources humaines et en résultats de recherche agricole en Afrique sub-saharienne – afin d’apporter des éléments de réponse à la question : « comment expliquer de telles lacunes technologiques dans cette région en comparaison avec d’autres parties du monde ? »

Des données ont été dérivées d’une combinaison d’enquêtes primaires, de sources secondaires (utilisées lorsque les données des enquêtes primaires sont manquantes ou de mauvaise qualité), et de la base de données plus ancienne de l’ASTI sur les investissements et les ressources humaines. Le rapport souligne les tendances et les défis dans quatre vastes domaines : capacité de financement, capacité en ressources humaines, résultats de recherche et conditions institutionnelles. La question est de savoir si ces différents aspects favorisent ou entravent la recherche agricole.

 

En 2003, dans le cadre du Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA), les pays africains se sont engagés à consacrer au moins 10 pour cent de leur budget national à l’agriculture, afin d’augmenter la croissance sectorielle de 6 pour cent par an. Depuis lors, malgré une augmentation des dépenses en matière de recherche agricole et de la capacité en ressources humaines en ASS dans l’ensemble, un certain nombre de pays connaissent une stagnation ou un déclin dans ces deux domaines.

Selon ASTI, il a été démontré que les investissements dans la recherche agricole jouent un rôle substantiel dans la réduction de la pauvreté, en comparaison avec d’autres types de dépenses ; ainsi donc, le manque d’investissements dans la recherche agricole en Afrique est préoccupant. Les sous-investissements dans ce domaine s’expliquent principalement par les longs délais requis pour que les investissements agricoles produisent des résultats. Par conséquent, les décideurs ne retirent pas rapidement les avantages politiques de tels investissements.

L’augmentation des investissements dans la recherche agricole a été plus lente que la croissance des résultats agricoles entre 2000 et 2015, selon le rapport de l’ASTI. Dans le même temps, les dépenses en recherche agricole sont devenues plus dépendantes des financements des donateurs. La recherche agricole en Afrique sub-saharienne dépend plus des financements des donateurs et des fonds de développement que d’autres régions en développement dans le monde. Cette situation présente deux difficultés : premièrement, ce type de financement est plus volatile que le financement des gouvernements ; deuxièmement, les donateurs peuvent choisir de financer des programmes de recherche qui ne sont pas en réalité une priorité pour le pays en question. Pour faire face à ces difficultés, le rapport d’ASTI suggère un nouveau cadre dans lequel les gouvernements peuvent établir des priorités stratégiques auxquelles les donateurs pourront contribuer. Plutôt que de s’appuyer à ce point sur les contributions des donateurs et sur les prêts des fonds de développement pour financer les domaines essentiels de la recherche, les gouvernements doivent déterminer leurs propres priorités nationales à long terme et concevoir des programmes de recherche agricole pertinents, ciblés et cohérents. Ainsi, les donateurs pourront choisir de participer à ces programmes mais n’en seront les instigateurs.

La démographie représente également un défi pour la recherche agricole en Afrique sub-saharienne. A partir de 2014, un grand nombre de chercheurs de haut niveau spécialisés dans le domaine agricole s’approchaient de l’âge de la retraite, ce qui représentait un risque pour certaines agences de se retrouver sans leadership dans la recherche. Dans un grand nombre de pays, des écarts importants existent entre les conditions de travail et indemnités des chercheurs des Instituts Nationaux de Recherche Agricole (INRA) et celles de leurs collègues universitaires. Ces inégalités doivent être éliminées afin de permettre aux INRA d’attirer, de retenir et de motiver, des chercheurs qualifiés. Les femmes, qui représentent la majorité des agriculteurs, ne sont pas assez représentées dans le secteur de la recherche agricole. Les installations et les équipements de recherche sont également obsolètes dans de nombreux pays. Tous ces problèmes soulèvent des préoccupations quant aux écarts et à la qualité des résultats de recherche et n’encouragent pas les investissements.

Malgré l’accord de principe de plusieurs gouvernements en Afrique sub-saharienne pour s’engager dans le financement de la recherche agricole, les montants investis ne représentent généralement qu’une fraction des affectations budgétaires, en raison de tous les défis décrits ci-dessus. Ces écarts de financement et de soutien ont des répercussions sévères sur le fonctionnement quotidien des agences de recherche agricole, ce qui crée un cercle vicieux.

De nombreux pays ont augmenté leurs dépenses en agriculture, y compris l’Ethiopie, le Ghana et le Nigéria ; cependant, selon ASTI, ces augmentations ont été largement consacrées aux (très nécessaires) augmentations de salaire ou au recrutement du personnel, au détriment des réels programmes de recherche.

Le rapport propose les recommandations politiques suivantes aux gouvernements des pays d’Afrique sub-saharienne, afin de promouvoir les futurs investissements dans la recherche agricole au niveau national :

  • Les gouvernements doivent régler le problème de sous-investissement dans la recherche agricole et prendre les mesures politiques nécessaires pour diversifier les sources de financement. Des financements supplémentaires pourraient, par exemple, être obtenus grâce à la vente de biens et de services ou à travers des investissements du secteur privé.
  • Les gouvernements doivent investir dans la formation et le renforcement des capacités et supprimer les écarts de statut et de salaire entre les chercheurs des instituts de recherche et les chercheurs universitaires, afin de créer plus de mesures incitatives pour les chercheurs spécialisés en agriculture.
  • Les gouvernements doivent développer des agendas nationaux de politique de recherche agricole sur le long terme et fournir un soutien institutionnel, financier et infrastructurel plus solide aux INRA. Ceci permettra aux instituts de recherche d’avoir plus d’autonomie pour aider à induire les changements nécessaires.