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Bourse des produits agricoles pour l’Afrique

Cet article a été rédigé par Cynthia Kazembe et Girogia Prizzon.

Afin d’améliorer la productivité agricole et la croissance, ainsi que la sécurité alimentaire, il est nécessaire de permettre aux petits exploitants d’avoir accès aux informations concernant les marchés agricoles et les prix pratiqués sur ces marchés. Dans cet objectif, l’ Agricultural Commodity Exchange for Africa (ACE) a mis en place depuis 2011 un Système d’Information sur les Marchés (SIM) et un Système de Récépissés d’Entrepôt (SRE). Le SIM permet aux agriculteurs, aux commerçants et aux autres agents sur le marché de recevoir par SMS ou par email des mises à jour régulières concernant les prix des matières premières qu’ils échangent, et d’accéder à la plateforme d’échange en ligne. L’ACE a également 14 conseillers ruraux en marketing au sein du Malawi qui informent les agriculteurs des nouvelles quotidiennes concernant les marchés. Le SRE permet aux agriculteurs, aux commerçants et aux exportateurs d’utiliser les reçus des matières premières stockées dans des entrepôts certifiés en tant que garantie pour sécuriser leurs crédits provenant de banques ou d’autres institutions financières.

L’ACE a organisé une conférence le 5 décembre 2019 à Lilongwe afin de diffuser les résultats de deux études réalisées par l’IFPRI examinant l’impact de ces systèmes. Cette conférence a rassemblé plus de 70 personnes venant du monde académique, de la société civile, de différents partenaires dans le secteur du développement, d’ONG et du secteur privé.

Bob Baulch , directeur du programme du Malawi au sein de l’IFPRI, a débuté la conférence en présentant le contexte de ces deux études qui contiennent : (1) une analyse statistique détaillée des données concernant le niveau de transaction du SRE entre 2011 et 2018 ; et (2) une expérience de recherche qui fournissait par SMS aux organisations agricoles et aux petits exploitants agricoles dans quatre quartiers du Malawi central des informations régulières concernant les prix sur les marchés agricoles. De plus, le personnel de terrain a organisé des rendez-vous mensuels afin de collecter des données auprès des agriculteurs sur les ventes réalisées pendant le mois écoulé.

Un des chercheurs de l’IFPRI au Malawi, Jack Thunde , a ensuite présenté l’étude réalisée sur le SRE. Sa présentation s’est concentrée sur la profitabilité du système depuis sa création en 2011. L’étude a utilisé des données de 710 récépissés d’entrepôt (RE) délivrés entre 2011 et 2018 pour analyser le volume de RE délivrés, les caractéristiques des utilisateurs de RE, et les tendances des bénéfices et des pertes réalisées sur les trois denrées agricoles (le maïs, le pois d’Angole et les germes de soja) principalement échangées sur l’ACE.

Le SRE est utilisé par une variété de clients, dont des agriculteurs, des associations d’agriculteurs, des petits exploitants et des agriculteurs de tailles moyenne et large. Les clients profitent de l’ACE en achetant tôt dans la saison à des prix plus faibles et en différant leurs ventes afin d’obtenir les prix les plus hauts pour leurs produits. Le reçus d’entrepôt permettent aux clients de l’ACE d’accéder à des crédits via des banques, en utilisant leurs denrées agricoles comme garantie.

Les résultats des calculs de la profitabilité du SRE montrent qu’entre 2011 et 2018, le stockage de maïs et de germes de soja financé par le RE a augmenté les bénéfices des clients de l’ACE de 54% et 63%, respectivement. En revanche, le stockage de pois d’Angole utilisant des RE, avec ou sans financement, et le stockage de maïs et de germes de soja sans financement ont généré des pertes pour la majorité des clients de l’ACE. Ces pertes sont probablement dues à la longue durée de stockage, en particulier pour les pois d’Angole, et au coût élevé du financement au Malawi.

Kristian Schach Moller , Directeur Général de l’ACE, a par la suite commenté l’étude réalisée par l’IFPRI, en mettant en avant le caractère complexe du SRE, qui a évolué avec le développement des marchés. Il a notamment précisé que la plupart des pertes trouvées dans l’étude de l’IFPRI provenaient de maïs et de pois d’Angole stockés entre 2013 et 2016. La perte sur le maïs en 2013 s’expliquerait par la réduction importante du prix du maïs qui a débuté lorsque ADMARC a commencé à vendre le maïs à un prix nettement inférieur au prix du marché. La perte de 2016 sur les pois d’Angole correspondrait au moment où l’Inde a arrêté d’importer des pois d’Angole suite à une bonne récole domestique réalisée l’année précédente. De plus, la prohibition sur les exportations de maïs a donné lieu à des prix faibles sur le marché, suite à une bonne récolte en 2017.

Schach Moller a conclu sa présentation en notant que le SRE reflète le marché au Malawi, qui est vulnérable au risque systémique et aux interventions politiques discrétionnaires. Il a recommandé de faire face à ces risques en créant des outils appropriés de gestion et de réduction du risque au niveau régional.

Un chercheur associé au sein de l’IFPRI au Malawi, Dennis Ochieng , a ensuite présenté l’analyse réalisée sur le SIM et sur l’accès des agriculteurs aux marchés. Cette étude a examiné l’impact d’un accès régulier aux informations concernant les prix du maïs et des germes de soja par les petits exploitants et commerçants agricoles grâce au SIM dans quatre quartiers du Malawi central. En particulier, l’étude analyse l’impact d’une meilleure information concernant les prix sur (1) la connaissance des échanges de denrées agricoles des agriculteurs ; (2) les ventes de maïs et de germes de soja ; (3) les prix de vente de maïs et de germes de soja ; (4) les ventes sur les marchés organisés ; et (5) le niveau de commercialisation. L’étude a été réalisée grâce à des organisations d’agriculteurs et de petits exploitants dans les quartiers du Mchinji, du Kasungu, du Dowa et du Ntchisi, dont la moitié recevaient des informations par SMS sur les prix provenant de l’ACE et dont l’autre moitié opérait comme d’habitude. L’échantillon de référence pour l’étude réalisée en mars cette année incluait 416 agriculteurs et 78 commerçants, alors que l’échantillon final de septembre incluait 399 agriculteurs et 68 commerçants.

Les résultats préliminaires de cette étude montrent que le fait de fournir des informations sur les marchés aux agriculteurs augmente leurs connaissances sur les échanges de denrées agricoles et réduit significativement les ventes de maïs. Bien qu’il n’y ait pas d’effet significatif sur les prix du maïs, les prix de vente des germes de soja augmentent de manière significative par rapport au prix reçus par les agriculteurs inclut dans l’échantillon de référence. Cependant, ce phénomène ne s’explique pas par une augmentation de l’utilisation des marchés organisés par les agriculteurs. Des études complémentaires sont donc nécessaires afin de comprendre les effets de l’intervention sur les petits exploitants, sur les prix de vente et sur l’utilisation des marchés organisés.

La conférence s’est terminée par la présentation de Paul Cleary, le gestionnaire des programmes au sein de l’ACE, qui a suggéré différentes façons d’augmenter l’utilisation des services proposés par l’ACE. En effet, l’offre d’information sur les marchés n’est qu’une partie des services proposés par l’ACE, qui inclus également une école de marketing et de l’aide à la facilitation des échanges. Paul est d’accord avec les résultats mis en avant par l’étude de l’IFPRI, notamment sur le fait que le SIM a peu d’impact sur les ventes des agriculteurs et les prix mais a également noté que le SIM en lui-même ne suffit pas. Il a souligné l’importance d’augmenter les capacités des agriculteurs via l’école de marketing de l’ACE, ainsi que l’utilisation du SRE et des services de facilitation aux échanges de l’ACE.

Cynthia Kazembe est assistante de recherche au de l’IFPRI au Malawi et Girogia Prizzon est gestionnaire de projets l’ACE à Lilongwe. Cet article a été publié pour la première fois sur le blog de l’IFPRI-Malawi. Toutes les présentations de la conférence sont disponibles sur slideshare et vous pouvez retrouver l’article d’origine ici .

Source: IFPRI.org