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Pourquoi le G20 doit-il concentrer ses efforts sur le développement des systèmes alimentaires en Afrique ?

Cet article est le troisième d’une série d’articles sur les rapports du groupe de travail Think20 (T20) sur l’énergie renouvelable, l’alimentation et les réseaux d’eau. T20 est un groupe du G20 qui collabore avec des organes de réflexion dans le monde entier afin de fournir des idées et des recommandations. Le groupe de travail fait partie des 10 conseillers de l’Arabie Saoudite, à la présidence cette année du G20 qui a culminé lors du sommet du 21 et 22 novembre. Pour plus d’information, vous pouvez lire les articles en cliquant ici et .

Les signes montrant que le monde se tourne vers une énergie future propre sont partout. Le marché pour les obligations vertes, offrant des produits à bénéfices sociaux et environnementaux, a récemment dépassé le seuil de $1 million de milliard; et la fondation Rockefeller s’est engagée à hauteur de $1 milliard pour soutenir une reprise verte suite à la pandémie en se concentrant, entre autres, sur les technologies d’énergie renouvelable.

Cependant, les écarts restent importants, surtout pour l’Afrique au Sud du Sahara et son secteur agricole. L’agriculture représente 52% de l’emploi de la région, pour seulement 2% de la consommation d’électricité totale. Etendre l’accès à une énergie propre pourrait permettre à l’Afrique d’éviter une détérioration de la sécurité alimentaire en accélérant le développement agricole durable ; en améliorant la sécurité de l’eau ; et en accélérant la croissance économique rurale et globale, dont la croissance des emplois.

Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a, pour le moment, ralenti le progrès africain sur le développement d’énergie renouvelable. En 2019, 580 million de personnes dans la région n’avaient pas accès à l’électricité, ce qui représente les trois-quarts de la population, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ; en 2020 ce chiffre devrait augmenter pour la première fois depuis plusieurs années.

Le groupe de travail T20 sur l’énergie durable, l’alimentation et les réseaux d’eau propose cinq recommandations afin de faire face au ralentissement des investissements et d’accélérer l’accès à l’énergie renouvelable en Afrique :

  1. Soutenir le développement et l’accès aux données sur les ressources d’eau et calibrer le système rural d’énergie optimal. La plupart des données sur les énergies rentables et l’accès à l’eau sont soit payantes soit inaccessibles, et les liens entre les données sur l’eau, sur l’énergie et sur le développement agricole ne sont pas réalisés. L’Union africaine, dont son Ministère sur l’eau (AMCOW), a commencé à travailler sur ces liens, et d’autres agences, telles que la Banque africaine de développement et le Bureau du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni (FCDO), soutiennent la création de compétences concernant les outils de modélisation de l’énergie qui pourraient être mis en lien avec les investissements agricoles et ceux liés à l’eau, afin d’assurer la réalisation des objectifs en termes de croissance économique, de durabilité environnementale et de justice.

 

  1. Soutenir un environnement propice et développer les capacités et les incitations pour des systèmes locaux d’énergie renouvelable. Dans la plus grande partie de l’Afrique au Sud du Sahara, les structures fiscales et juridiques liés aux projets d’énergie sont compliquées, au point que seules les grandes compagnies peuvent prendre le risque d’investir dans ces projets. Les apprentissages entre pays sur les façons d’accélérer l’accès au marché et d’augmenter la compétition pour les systèmes d’énergies renouvelables, rendus possible par l’Union africaine et d’autres agences, sont requis de toute urgence.

 

  1. Promouvoir l’investissement dans des systèmes d’énergie renouvelable ruraux qui soutiennent directement les usages productifs. Les domaines potentiellement rentables incluent l’irrigation, l’entreposage frigorifique, l’agro-transformation et les transports. Investir dans ces domaines pourraient permettre de réaliser de nouveaux investissements pour promouvoir la sécurité agricole et hydrique, et améliorer les autres mesures de bien-être, en réduisant le temps passé à ramener de l’eau, à améliorer la qualité de l’air ambiant, et en augmentant la productivité agricole. De nouvelles initiatives d’investissements, telles que celle de la fondation Rockefeller, peuvent accélérer le développement des systèmes d’énergie renouvelable distribuée. 

 

  1. S’assurer que les politiques énergétiques, de l’eau et alimentaires prennent en compte le genre. En fonction de la façon dont les systèmes d’énergie, d’eau et d’irrigation sont créés, mis en place et gérés, la charge du travail pour les femmes pourrait augmenter au lieu de diminuer. Afin de résoudre cela, il est important qu’à la fois des hommes et des femmes soient consultés lors de la construction des systèmes ruraux d’énergie, d’eau et d’irrigation. De plus, ils devraient recevoir les mêmes informations et la même formation sur les technologies et les institutions qui touchent leur mode de vie et le bien-être de leur famille.

 

  1. Dépasser certaines pensées et améliorer la gouvernance entre les secteurs de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation. Les stratégies se concentrant sur un seul secteur donnent lieu à des coûts non-nécessaires, passent à côté d’importantes synergies, et résultent souvent en dommages environnementaux qui auraient pu être évités. Un désir existe au sein des pays et entre les régions d’Afrique pour accroître la collaboration entre secteurs, comme le suggère un travail récent dans le Nil de l’Est. Par exemple, l’alliance Power for All a récemment créé une plateforme de collaboration en Ouganda pour construire un mécanisme de coordination intersectoriel.

 

De plus, étant donnée l’inégalité importante et les défis environnementaux, de telles interventions devraient être accompagnées de systèmes de gouvernance forts. Par exemple, il existe des craintes que l’irrigation solaire, non contrainte par le coût des carburants, conduise à un épuisement rapide des ressources en eau souterraines en Afrique – reflétant les niveaux d’épuisements dramatiques dans certaines régions d’Asie du Sud. Les interventions sociales d’apprentissage ont révélé certaines promesses pour améliorer la gouvernance des eaux souterraines en Inde, et sont à présent dirigées en Afrique par le laboratoire d’innovation Feed the Future pour l’irrigation à petite échelle.

 Il est urgent d’agir maintenant

D’après le dernier rapport sur l’état de l’insécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, l’Afrique est la seule région au monde dont le nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance augmente (croissance diminué et développement cognitif affectant la santé et la capacité d’apprentissage à long-terme) ; le nombre de personnes sous-alimentées en Afrique a augmenté de 32 million depuis 2015 et devrait encore augmenter considérablement suite à la COVID-19 ; et plus de la moitié de la population de la région ne peut pas s’alimenter correctement, à cause (entre autres) d’un manque d’accès à l’énergie pour la production, le refroidissement et le transport d’aliments de provenance animale et de produits issus de l’horticulture qui coûtent trop cher à produire.

Les preuves sont accablantes et le G20, ainsi que les fondations privées, les gouvernements nationaux et les producteurs privés d’eau, d’énergie et d’aliments doivent non seulement noter cela, mais principalement agir.

Claudia Ringler est directrice adjointe du département de l’environnement et de la production de technologie de l’IFPRI et codirigeante du programme de recherche du CGIAR sur l’eau, la terre et les écosystèmes. William Brent est chef de la campagne de Power for All. Cet article se base sur le résumé du T0, Amélioration de la sécurité de l’eau et de l’accès à l’énergie : investissements clefs pour l’Afrique subsaharienne.

Source: IFPRI.org